Si je vous dis campus prestigieux, années 50, cravates rayées, veste en tweed, vous me répondez tout de suite « Ivy Style ». Près de 70 ans après sa création, cette façon à la fois décontractée et raffinée de s’habiller revient en force et connaît un large succès. Mais alors, le style Ivy, c’est quoi ? C’est tout simplement le style adopté par les étudiants de l’Ivy League. Ça ne vous avance pas vraiment hein ? Bon, allons-y étape par étape.
Qu’est-ce que l’ivy league ?
Le style « Ivy » tire son nom de l’Ivy League, la « ligue du lierre » littéralement, terme que l’on conservera en anglais pour d’évidentes raisons de style. Ce nom, initialement issu d’une conférence sportive, a très vite pris un sens plus large pour désigner les huit prestigieuses universités qui la composent : Brown (Providence, Rhode Island), Columbia (New York City, New York), Cornell (Ithaca, New York), Dartmouth (Hanover, New Hampshire), Harvard (Cambridge, Massachusetts), l’Université de Pennsylvanie (Philadelphie, Pennsylvanie), Princeton (Princeton, New Jersey) et Yale (New Haven, Connecticut).
C’est dans ces campus, au cours des années 20, qu’est né le style Ivy grâce à des boutiques spécialisées vendant des vêtements d’inspiration « britannique ». Dans les années 1950, grâce à plusieurs réformes, l’accès à ces « Eastern Establishment Elite » s’est ouvert à la classe moyenne. Rapidement, les étudiants ont délaissé le traditionnel costume au profit d’un dressing plus décontracté, adapté à toutes les situations de la vie courante. Ces étudiants parfois modestes pouvaient alors s’habiller correctement à moindre coût. C’est ainsi que le style Ivy a atteint son paroxysme dans les années 1950 et 1960, se propageant bien au delà des campus de la côte Est, dans toute l’Amérique.
Aujourd’hui, on utilise très souvent le terme « preppy » pris comme un synonyme de « Ivy ». On pourrait d’ailleurs traduire cet adjectif par « bon chic bon genre ». Bien qu’il soit associé au sportswear et à la décontraction, il est très proche du style Ivy. D’ailleurs, « preppy » fait directement référence aux classes préparatoires, ces écoles privées préparant les étudiants à enter dans l’Ivy League. La boucle est bouclée.
Le style ivy, c’est quoi ?
Maintenant qu’on a fait un point culture, on va pouvoir entrer dans le vif du sujet ! Si je voulais frapper fort, je vous dirais que les étudiants américains de l’Ivy League ont posé les bases de ce que l’on considère aujourd’hui être le casual chic. Ce style marque une véritable rupture avec le style américain classique de l’époque. Jusqu’à son apparition, le combo costume gris, chemises blanches, cravates discrètes et richelieus noirs était de vigueur et ne laissait que peu de liberté d’expression. Le style Ivy a apporté du confort, de la décontraction, de la couleur et une véritable nonchalance. Une sorte de sprezzatura américaine si l’on veut. Le style « Ivy », c’est donc un style de rupture mélangeant confort (casual) et élégance (chic).
Une expansion en deux temps
L’influence du sport et de la musique
Avant de devenir une référence stylistique si solide qu’elle a sa place dans tous les livres traitant du style masculin, le style « Ivy » était d’abord un style de niche adopté par les étudiants des Universités du Nord-Est des États-Unis. Alors comment s’est-il imposé ? Sa conquête a commencé dans la sueur car c’est grâce au sport qu’il a commencé à se propager. Je ne vous apprends rien si je vous dis que les compétitions sportives interuniversitaires aux Etats-Unis étaient (et sont toujours) des évènements d’importance capitale à ne pas rater, du côté des sportifs comme des supporters. C’est le cas des courses d’aviron, du football américain, du baseball etc…
Ces évènements permettaient de créer une cohésion au sein d’un campus mais surtout des rivalités plus ou moins saines entres les différentes facs rivales. Il est aussi intéressant de noter que ce genre de rencontres existait aussi entre certaines universités américaines et anglaises créant ainsi un point d’entrée subtil pour certaines pièces du vestiaire anglais (bien que l’influence de marques telles que Brooks Brothers ou J.Press est indéniable sur ce point).
Puis il y a eu le Jazz. Des musiciens comme Bill Evans ou Miles Davis se sont emparés de ce style symbolisant rupture et confort au même titre que leur musique. Ils ont ainsi pu exhiber cette nouvelle manière de s’habiller aux yeux de leur fans lorsqu’ils se produisaient sur scène à travers le pays.
L’influence du cinéma
Bien entendu, le lot d’icônes de « l’Ivy » en faisant la promotion ne se limite pas au monde de la musique et se diffuse auprès du grand public grâce à Hollywood. Paul Newman, Marlon Brando, James Dean et Steve McQueen y sont pour quelque chose, pour ne citer qu’eux.
Cependant, malgré son immense popularité à l’époque, ce style typiquement américain a failli tomber dans l’oubli. C’est grâce à Ralph Lauren et à des passionnés japonais que « l’Ivy » a pu renaître de ses cendres et s’imposer à nouveau. D’ailleurs, le livre fondateur « Take Ivy », que je vous invite à consulter, a été écrit par des japonais passionnés par les États-Unis. Je vous recommande aussi la lecture de « Ametora, how Japan saved American Style » pour aller plus loin sur ce sujet. Il ne rentrait dans aucune case mais en temps que président des Etats-Unis, J.F Kennedy a sans doute été un ambassadeur influent du style « Ivy » dans son pays et dans le reste du monde. Vous n’avez qu’à taper « JFK sailing » dans votre moteur de recherche préféré pour en prendre plein les yeux.
Dans le placard de james, étudiant à yale
Attention, James est un personnage fictif dont le prénom est l’un des plus donnés en 1935 (soit 20 ans avant l’apogée de l’Ivy) aux USA. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.
Bon l’étymologie, l’histoire et les bons mots, ça va un moment, mais nous ce qu’on veut c’est du visuel et du concret. On veut sentir la douceur de la laine du blazer et la nacre froide du bouton de la chemise oxford. De quoi est constituée une tenue « Ivy » ?
Les hauts : première couche
On commence avec le plus simple, mais le plus emblématique : les chemises button-down en tissu oxford, appelée « OCBD » pour Oxford Cloth Button Down. Ce col boutonné est inspiré d’une innovation sur les vêtements de Polo au Royaume-Uni sur lesquels les cols avaient été boutonnés afin de les empêcher de se rabattre sur le visage des joueurs durant la partie.
James possède beaucoup de chemises bleues et blanches, quelques jaunes ou roses pour les élans d’audace et parfois des « Fun Shirt ». Ce type de chemise est vraiment la base de ce vestiaire Ivy / Preppy si emblématique des USA. Vous retrouverez une sélection des meilleures marques de chemises Oxford ici.
Un ou deux polos. Notamment des polo « Ralph Lauren », dont l’univers est très largement inspiré de ce style. On peut même dire que RL a fortement contribué à démocratiser ce type de look, tout comme Gant par exemple.
Les hauts : seconde couche
Des pulls à col rond en shetland en différentes couleurs. Parce qu’il n’y a rien de mieux à porter quand la température rafraîchit. On peut aussi ajouter un « Shaggy Sweater » dont la matière est grattée pour un effet duveteux. Il y en a notamment chez Cadot, Jamieson, Drake’s, Harley, Howlin ou J.Press.
Comme James est très frileux, il adore enfiler un gros cardigan à col châle quand les températures descendent.
Une Harrington Jacket pour se promener sur le campus et jouer au golf avec style.
Une veste sport en tweed, parce qu’on n’oublie pas ses origines britanniques. James penche pour le Harris, mais d’autres préféreront du Shetland.
Un blazer bleu marine à boutons dorés, un incontournable.
Un blazer d’aviron avec un gros écusson, histoire de soutenir fièrement son équipe.
Une veste dans le motif le plus Ivy et osé qui soit : le madras. Un motif dont les campus étaient remplis l’été mais qu’il faut être capable d’assumer.
Les hauts : troisième couche
Un mackintosh. C’est le choix de James mais tout manteau de pluie en gabardine de coton conviendra parfaitement.
Un duffle-coat pour affronter la pénibilité des hivers du nord-est des Etats Unis. Marron ou bleu marine ? James a opté pour du marine, mais après des heures d’hésitation.
Les pantalons
James ne jure quasiment que par les chinos. Il ne porte pratiquement que ça. Il les choisit très souvent couleur khaki (attention à ne pas confondre khaki et vert militaire) mais en possède des plus colorés : bleus, marron, vert… Un peu de peps ça ne fait jamais de mal.
Quelques shorts en coton dans les mêmes couleurs que les chinos.
Les costumes
Pour toutes les occasions formelles telles que des oraux ou des entretiens d’embauche, James peut compter sur son costume en laine grise, idéal en automne et en hiver.
Pour la belle saison, il possède également un costume en laine Fresco.
Pour certaines occasions, James aime porter une veste en seersucker, idéale lorsqu’il fait chaud grâce à la fraîcheur que procure son coton gaufré. C’est un tissu typique de l’Ivy, il faut oser.
Les chaussures
La décontraction impose le port de tennis écru en coton.
Autre symbole du style Ivy, les chaussures bateau popularisées par Sperry et Sebago.
Évidemment, au quotidien, James porte très souvent ses jolies Full-Brogues car elles sont aussi élégantes que décontractées.
Enfin, on termine avec les éternelles Weejuns ou Penny Loafers. Attention à ne pas choisir de modèles noirs sous peine de ne pas être invité aux fêtes des ακψ.
Les accessoires
Quelques cravates, surtout des rayées d’ailleurs. Les cravates les plus « Ivy » sont sans doute les « rep ties » que seul un initié est capable de différencier de la cravate « club ». À l’inverse de la cravate « club », la rayure de la « rep tie » part de l’épaule droite et descend vers le flanc gauche.
À cette époque, les étudiants délaissent les bretelles jugées vieillottes au profit des ceintures, discrètes et pratiques. Bien entendu, rien de trop brillant ou tape à l’œil. Ici, on aime les vêtements avec du vécu et on sait apprécier une patine et quelques griffures çà et là qui donnent du caractère.
Les marques qui font de l’ivy
Les marques les plus emblématiques sont celles qui ont diffusé largement ce style : J. Press, Andover Shop et Brooks Brothers. Il y avait aussi Langrock et Chipp mais elles ont disparu. Enfin, je ne peux pas me permettre d’omettre Ralph Lauren dans cette sélection puisque la marque a tout de même sauvé le style Ivy et Preppy. Si les premières sont sans aucun doute les mères de ce style vestimentaire, Ralph Lauren en est l’indiscutable parrain.
Vous pouvez aussi aller voir ce que font Drake’s, Rowing Blazer (qui a une ligne stylistique assez particulière vous verrez. Il faut faire le tri) ou Gant. Bien évidemment, il ne faut pas hésiter à piocher chez des marques françaises, anglaises ou italiennes généralistes qui proposent des pièces intéressantes individuellement.
Les références
Pour aller plus loin sur le sujet, je joins les références littéraires et cinématographiques en rapport avec le style Ivy.
Ametora
Ce livre traite du sauvetage par les japonais du style typiquement américain dont fait partie le style Ivy.
Preppy cultivating ivy style
Voilà une étude très intéressante sur l’émergence du style Ivy au sein des élites universitaires américaines et sa métamorphose en un phénomène stylistique largement diffusé à l’international.
Taking ivy
Ouvrage japonais incontournable pour pénétrer au cœur de l’Ivy style dans les universités américaines grâce à des photographies illustrant le quotidien des étudiants.
Le temps d’un weekend
Charles, un étudiant aspirant à entrer à Harvard, accepte un petit boulot comme garde pour personne handicapée.
Le lauréat
Benjamin Braddock, un étudiant fraîchement diplômé, ne sait pas quoi faire de son avenir. Lors d’une soirée mondaine chez ses parents où il vagabonde, il fait la connaissance de Mrs Robinson, l’épouse du patron de son père. La femme, d’âge mûr, entreprend de séduire le garçon et y parvient très rapidement.
Le cercle des poètes disparus
Les cours d’un professeur de lettres atypique vont bouleverser le quotidien des étudiants de l’académie de Welton.
Rushmore
Les mésaventures de Max Fischer, élève de la Rushmore Academy. Personnage hors normes, génie fougueux et brouillon, Max ne peut fournir qu’un minimum d’efforts à ses études et s’est résigné à devenir l’un des pires cancres de son établissement.
J’espère à présent que vous appréhendez mieux ce style ainsi que son histoire. Il ne tient qu’à vous de vous l’approprier en intégrant quelques-unes des pièces du vestiaire de James. J’insiste sur « approprier » car il est important que ce soit le style qui s’adapte à vous et non l’inverse. On est rarement à l’aise dans un déguisement. Mais rassurez-vous il est très facile à dompter et on s’amuse très rapidement avec ce genre de pièces. Alors débutants ou confirmés, expérimentez !
Aymeric Berthoumieu – Rédacteur invité de Verygoodlord