LE SOULOR

atelier le Soulor Pontacq

Cet été, je suis allé pour la première fois passer des vacances à la montagne. L’air pur, le calme absolu, les grands espaces, marcher et ne penser à rien, voilà qui ravissait mon esprit de parisien d’adoption. J’ai donc réservé un petit chalet en Haut-Savoie et commencé à me renseigner pour me commander une paire de chaussures de randonnée.

J’avais envie de trouver une marque un peu hors du commun, de marcher avec style, même en montagne. C’était trop facile de commander une paire de Decat’ ! A ce moment, je me souvenu d’un message que m’avait envoyé ma mère en 2016 à propos d’un atelier qu’elle avait visité dans le sud-ouest de la France, qu’il fallait « absolument » que je le contacte pour en parler « sur le blog« , que « les propriétaires étaient adorables« . Ma mère est très enjouée quand elle aime quelque chose !

montagne haute savoie

La vue depuis mon petit chalet de Haute Savoie… ♥

C’était en juin, je partais en août, le timing tombait bien. J’appelai l’atelier pour commander à distance une paire de « Vignemale » que j’avais repéré sur le site et je tombai sur Stéphane Bajenoff qui me conseilla de prendre plutôt une « Ossau », qui ferait moins mal à mes pieds de jeune trentenaire plutôt habitué à porter du cuir souple et des sneakers que des brodequins en cuir d’un demi centimètre d’épaisseur !

Ce fut chose faite assez rapidement et j’ai finalement passé une semaine à côté de Morzine, mes « Ossau » aux pieds. Mais avant de vous parler de la paire en détail, je dois revenir rapidement sur l’histoire de l’atelier du Soulor d’où viennent ces chaussures, tant elle mérite qu’on s’y penche avec attention.

Ossau le Soulor portées

L’histoire de l’atelier du Soulor

Un atelier fondé en 1925

Le Soulor, c’est le projet de Stéphane Bajenoff et de Philippe Carrouché, deux entrepreneurs qui ont repris à Pontacq – dans les Pyrénées-Atlantiques – un atelier quasi centenaire où 3 générations d’une même famille se succédèrent depuis 1925. A cette époque, rien n’était dû au hasard. L’atelier était installé proche des tanneries présentes dans la région depuis le 16 ème siècle, elles-mêmes proches des rivières qui apportent la grande quantité d’eau nécessaire au tannage du cuir.

Stéphane Bajenoff et Philippe Carrouché

Philippe (gauche) et Stéphane (droite) dans leur atelier.

Le succès des années 50

En 1925, l’atelier « Paradis-Pomiès » voyait le jour et fabriquait à l’époque des brodequins cloutés à semelles de cuir pour les bergers, les pisteurs, les forestiers et les agriculteurs de la région, et parfois même des bottes d’aviateurs. Les produits étaient aussi livrés à la Samaritaine ou au Bon Marché à Paris, et jouissaient d’une belle réputation. Dans les année 50/60, le fils du fondateur fabriqua même les crampons de rugby de certains joueurs de l’équipe de France, et notamment ceux de Pierre Lacaze, surnommé « Papillon », un « arrière » mythique qui était natif de Pontacq. Il est en allé ainsi pendant presque 100 ans dans ce petit atelier situé entre Lourdes, Pau et Tarbes.


Un reprise réussie

Début 2016, Monsieur Joseph Paradis dit « Aldo » (en référence à Aldo Maccione), petit-fils du fondateur, prit sa retraite à 70 ans et manqua de fermer l’atelier qu’il fit vivre pendant plus de 50 ans. Aldo n’avait plus l’énergie pour développer la société malgré le potentiel, et l’heure était venue de passer le témoin à une nouvelle génération.

La « re » découverte du Soulor

C’est à ce moment que Stéphane Bajenoff découvrit cet atelier un peu par hasard, et qu’il tomba sous le charme du lieu, de son histoire et du savoir-faire qu’il renfermait. Il décida de reprendre le flambeau avec le seul employé restant et mit toute son énergie pour relancer l’atelier et conquérir de nouveaux clients. Il reprit l’affaire le 1er avril 2016, et ce n’était pas une blague.

atelier le soulor pontacq etagere chaussures

Au coeur de l’atelier « Le Soulor ».

Un an et demi plus tard, fin 2017, Stéphane rencontra par hasard Philipe Carrouché qui était à l’époque dirigeant d’une entreprise à l’étranger, mais fils d’un agriculteur du coin. Revenant en vacances dans sa région pour voir sa famille, il découvrit l’atelier de Stéphane dont il tomba lui aussi amoureux.

Un campagne de crowdfunding réussie

C’est à ce moment que la machine destinée à la couture des chaussures rendit l’âme, laissant Stéphane sans l’outil principal qui faisait vivre l’atelier. Les banques ne voulurent malheureusement pas financer les quelques milliers d’euros nécessaires au remplacement de cette machine, et Philippe prêta une grande partie de la somme à Stéphane qui eut en plus la bonne idée de lancer une campagne de crowdfunding (réussie) pour récolter le reste des fonds nécessaires. Finalement, se reconnaissant dans la démarche de Stéphane, Philippe le rejoignit fin 2017 et devint co-actionnaire de l’atelier.

Petit à petit, Stéphane et Philippe se firent connaitre dans la région, et le bouche à oreille qui avait si bien fonctionné pendant des décennies, reprit de plus bel. L’aventure était (re) lancée !

Une fabrication artisanale

Ce qui vaut le succès de cette petite entreprise, c’est avant-tout ses produits. Dans l’atelier du Soulor, les machines viennent épauler les artisans, mais rien ne remplace l’oeil et le savoir-faire de ces derniers.

La maitrise du « cousu norvégien »

De la découpe du cuir à la couture, tout est fait sur place. Parmi les nombreux savoir-faire maitrisés, le « Cousu Norvégien » est certainement le plus notable que l’atelier perpétue. Aujourd’hui, l’équipe est composée de 10 employés, mais le délai de 2 mois pour obtenir une paire montre le succès que remportent ces paires dans toute la région, et toute la France.

fabrication des chaussures le soulor dans l atelier de pontacq

Prêt-à-porter et sur-mesure !

L’atelier fabrique à la fois du prêt-à-porter et du semi-mesure qui permet de s’adapter aux morphologies les plus inhabituelles. Les cuir travaillés viennent de chez Degermann – comme par exemple pour la Ossau – une tannerie située en Alsace, ou de chez  Remy Carriat, située non loin de l’atelier, à Espelette. Les coutures sont réalisée en « petit point » ou en « cousu norvégien ». Mais Stéphane m’a confié qu’il y a encore une machine à coudre en « Goodyear » dans une remise, et qu’il rêve de la refaire fonctionner. Les semelles sont en cuir, en caoutchouc véritable, ou en crêpe naturel du Sri Lanka.

C’est dans cet atelier que sont fabriquées toutes les paires « Le Soulor » et donc le modèle « Ossau » que je porte sur les photos.

atelier le soulor pontacq interieur

La « Ossau » de chez « Le Soulor »

C’est une paire de chaussures de montagne comme on en fait depuis des décennies. Si vous allez dans des régions montagneuses, vous verrez forcément quelque part en décoration une vieille paire de chaussures de randonnée. Et bien c’est les mêmes, en plus confortables !

Un beau cuir gras très épais

Côté confection, c’est une chaussure dont la tige (tout l’extérieur) est en cuir gras de la tannerie Degermann. C’est un cuir résistant et souple de 3 mm d’épaisseur. Le soufflet et le haut de la tige sont en cuir très souple et doux de chez Carriat (la « languette » est appelée « soufflet » quand elle est fixée sur les 3 côtés pour rendre la chaussure imperméable).

atelier le Soulor Pontacq
ossau le soulor etiquette nom

Sur chaque paire en demi-mesure est inscrit le nom du commanditaire.

soufflet cuir carriat

Le soufflet en cuir ultra moelleux de chez Carriat.

Une première de montage ultra robuste

La semelle intérieure – appelée « première de montage » ou « première de propreté » – vient de chez Garat, une tannerie située à 1h30 de route de l’atelier du Soulor, dans la ville d’Armendaritz, et qui confectionne depuis 1790 des semelles en cuir de croupon – la meilleure partie d’une peau – avec un tannage végétal à l’écorce de châtaignier.

La simplicité du cousu petit point

La Ossau est cousue petit point avec un fil poissé, en double montage. Pour cela, l’atelier monte d’abord la doublure sur la forme de la chaussure, avec les contreforts et les bouts durs, puis va la laisser sécher entre 24 et 48h pour qu’elle prenne parfaitement la forme voulue, avant de monter ensuite le cuir extérieur, la semelle et le reste des éléments. Cette manière de procéder garantit une parfaite étanchéité et une extrême solidité.

le soulor tige

Les rivets et les crochets sont posés un par un, et la semelle extérieur Vibram est proposée par l’atelier en 3 finitions classiques (« Eco Responsable Marron » / Rouge / Noir) et en finition appelée « Arctic » optimisée pour marcher sur la glace.

crochets et rivets le soulor ossau

Les crochets et rivets.

semelle vibram le soulor

J’ai choisi la Vibram noire.

La semelle : à vous de choisir !

Car oui, on fait faire sa Ossau à la commande. On peut choisir entre les différentes semelles, les deux couleurs de cuir (un cuir naturel ou un cuir acajou comme les miennes), et on peut même demander à faire apposer ses initiales sur la chaussure. Une Ossau fourrée en laine de mouton est même en préparation !

Au final, après les 120 opérations qui sont nécessaires pour assembler les 60 pièces de la Ossau, on obtient une chaussure d’environ 1kg par pied ! C’est un certain poids, qui n’arrête pourtant pas les clients qui recherchent dans cette paire de l’authenticité, de la robustesse, et une certaine envie de consommer local.

couture petit point ossau le soulor

Et finalement, vient la question du tarif des chaussures le Soulor. Une fois qu’on arrive en caisse, le plus impressionnant est que la note n’est même pas trop salée. Pour 475€ en prêt-à-porter et 525€ en demi-mesure, vous aurez aux pieds les meilleures chaussures traditionnelles de randonnée fabriquées en France. Tout est dit !

Les différences entre Ossau et Vignemale

La Vignemale – dont je vous parlais en début d’article – est une version traditionnelle de la Ossau. C’est le plus vieux modèle de la collection, il est confectionné par l’atelier depuis plus de 40 ans. Le montage est exactement le même que pour la Ossau, mais elle est entièrement fabriquée en cuir de croupon de 4 mm d’épaisseur qui vient de la tannerie Fortier Beaulieu à Roanne. C’est un cuir rigide quasi increvable, qui est beaucoup moins confortable au départ. Cela en fait une paire TRÈS rustique toujours très appréciée dans la région.

D’ailleurs, quand j’étais au téléphone avec Stéphane pour recueillir son témoignage, une bergère venait au même moment se faire fabriquer une nouvelle paire de Vignemale pour travailler.

logo le soulor cuir

La marque « Le Soulor » embossée dans le cuir.

L’avenir du Soulor

Une marque qui voit grand

Aujourd’hui, l’avenir de l’atelier donne le sourire. Les commandes ne cessent d’affluer. L’équipe commence à se développer, de nouvelles associations de couleurs plus tendances vont bientôt arriver. L’entreprise voit grand, tout en conservant son ancrage local, ses modèles intemporels et sa qualité de fabrication. Récemment, 6 nouveaux actionnaires ont rejoint Stéphane et Philipe, 5 entrepreneurs Béarnais et un entrepreneur Parisien, qui souhaitent développer l’atelier et distribuer les produits dans toute la France. D’ailleurs, le Soulor vient d’embaucher son 10 ème employé depuis la reprise. Une sacrée réussite pour ce petit atelier qui allait fermer ses portes il y a moins de 3 ans.

cuir gras Degermann ossau le soulor

Toujours « Made in Béarn »

Il est beau de voir qu’on peut toujours fabriquer des chaussures en Béarn, dans les Pyrénées, comme cela se faisait depuis des décennies, tout en attirant l’attention des amateurs de beaux objets de toute la France. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller sur place pour visiter l’atelier, et ce n’est pas l’envie qui manque. Mais j’irai rencontrer une partie de l’équipe de l’atelier du Soulor qui sera à la prochaine édition du salon Made in France « MIF EXPO » Porte de Versailles à Paris. Passez les saluer de ma part !

Une boutique parisienne

Le Soulor s’est installée en 2022 au 65, rue de Turenne dans le 3e arrondissement de Paris dans un quartier très dynamique. Le magasin, entièrement aménagé par un artisan du Béarn, fait 35 mètres carrés, et propose les modèles phares de la marque, que ce soit en prêt-à-porter ou en sur-mesure.

L’aventure vient juste de commencer !

L’histoire continue, puisqu’elle ne s’est jamais arrêtée. Aldo passe tous les jours voir son ancien atelier et continue de transmettre son savoir à ceux qui perpétuent l’oeuvre de son père et son grand-père. Car plus qu’un atelier, c’est une véritable histoire de famille.

Arnaud

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Plus d’infos sur : https://lesoulor1925.com
Les Ossau : https://lesoulor1925.com/produit/chaussure-randonnee-ossau/
Les Vignemale : https://lesoulor1925.com/produit/vignemale/

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