Dans le petit monde de la chaussure, on compte les bonnes marques à prix raisonnable sur les doigts des deux mains. Car s’il est facile de trouver de belles chaussures avec un budget de 500€, il est nettement plus fastidieux de trouver son bonheur pour 250€. Dans ma recherche perpétuelle de marques, je suis tombé sur Septième Largeur, une maison fondée en 2009 qui a été de nombreuses fois citées dans de récentes discussions.
J’ai tout testé. Absolument tout !
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Repenser le modèle traditionnel de distribution
S’il semble intéressant pour nous clients de s’offrir une belle paire de souliers de qualité à 250€, il n’est pas moins intriguant d’essayer de comprendre ce qui pousse la marque à vendre une belle chaussure en suite à ce prix. La marque a décidé de limiter ses intermédiaires et de distribuer elle-même ses produits, tout en pratiquant des marges raisonnables, pour finalement proposer un « rapport qualité prix » excellent avec un beau niveau de détails.Vous avez déjà entendu ce discours ailleurs ? C’est normal ! Mais contrairement à d’autres marques que nous connaissons tous (surtout en prêt-à-porter), elle ne le hurle pas sur tous les toits. Ça ne peut être qu’en ayant un bon savoir-faire et la réelle volonté de créer le meilleur produit au meilleur prix possible qu’on arrive à ce résultat. Et dans le paysage français, peu de marques sont capables de réunir tout cela.
La main de Marcos Fernandez Cabezas
L’histoire de monsieur Fernandez est liée à la chaussure aussi fermement qu’une semelle cousue goodyear. Son CV parle pour lui. Il plane au-dessus de ce milieu depuis 1973, année à laquelle il importe Sebago depuis les USA, avant de créer plusieurs marques en France. Plus récemment, il fonde Markowski, qu’il cédera finalement quelques années plus tard. C’est en 2009 qu’il créa Septième Largeur, que vous verrez aussi appelée 7L ou 7eme Largeur chez les habitués.
Pour qu’une paire de chaussures dure dans le temps et méritent qu’on en prenne soin, il lui faut deux choses : un cuir de qualité et une confection soignée.
Des cuirs français
C’est la matière première essentielle dans la confection d’un soulier. On n’a rien trouvé de mieux qu’un beau cuir bien tanné pour faire une paire de chaussures. Or, toutes les marques le savent, et cette matière première est devenue un enjeu majeur ces dernières années. L’approvisionnement devient de plus en plus compliqué, et seule les marques les plus exigeantes prennent le soin de sélectionner les meilleures peaux venant des meilleures tanneries, en y mettant le prix.
Celles de Septième Largeur viennent de différentes tanneries françaises en fonction des compétences de chacune et des besoins de l’usine. Vous les connaissez peut-être si vous avez déjà mis le nez dans les dessous de la botterie :
- La tannerie Degermann : la dernière tannerie indépendante de France. Elle est reconnue pour son cuir gras.
- La tannerie du Puy : rachetée par Hermes en 2015, elle fournit le veau « box » (cuir lisse aussi appelé « box calf ») et le veau grainé.
- La tannerie d’Annonay : rachetée par Hermes en 2013, elle fournit le veau Voucalou.
- La tannerie Roux : rachetée par LVMH en 2012, elle fournit du veau box, du cuir semi-végétal, du Suportlo (un cuir légèrement gras) et du cuir gras.
- La tannerie Hass : du cuir végétal Novo©, et du cuir semi-végétal.
- La tannerie Stead : seule exception dans la liste, c’est une tannerie anglaise qui fournit le veau velours.
Ces tanneries sont les meilleures en Europe, et fournissent toutes les plus grandes maisons de luxe. Elles sont une source d’approvisionnement indispensable pour tout fabriquant de soulier de qualité.
Une fabrication espagnole
Toute la collection, sans exception, est dessinée en France et fabriquée en Espagne à côté de Valence. Quoi de plus naturel pour Marcos Fernandez de confectionner ces souliers dans une usine centenaire avec qui il collabore depuis plus de quarante ans.
Cette usine est spécialisée dans le cousu goodyear, aussi appelé cousu « trépointe ». C’est une méthode de couture haut de gamme qui permet d’avoir une chaussure robuste, avec une grande durée de vie.
Elle permet aussi et de pouvoir ressemeler entièrement la chaussure une fois qu’elle est trop usée. Attention, « ressemeler » ne veut pas dire seulement poser un patin de protection. Cela signifie qu’il est possible de changer entièrement la semelle, même après des années. D’ailleurs quand vous achetez une paire chez 7L, la marque peut s’occuper de la petite cordonnerie (poser un patin, un fer encastré), jusqu’au ressemelage complet.
Tous les détails importants d’un soulier de qualité
D’abord la découpe du cuir. C’est une étape primordiale pour avoir une belle chaussure. Elle est propre et bien droite. Certains diront que c’est « un minimum ». Certes, mais ce n’est pas une évidence chez toutes les marques d’après ce que je peux voir ici et là.
Tous les modèles qui ont une doublure sont doublés en cuir. La semelle intérieure par exemple est bien lisse et épaisse. C’est vraiment tout ce qu’on lui demande pour accueillir notre pied pendant des milliers d’heures.
La languette des bottines est rembourrée pour plus de confort. Le « cambrion » de chaque modèle est en relief. Vous pourrez voir ce cambrion en relief au niveau de la plante du pied. C’est une colonne vertébrale en métal qui permet de soutenir la semelle et d’éviter l’affaissement. Ce relief a un intérêt esthétique car c’est la signature de la maison, mais aussi technique car il renforce ce cambrion. On remarque aussi la présence d’un « chevillage » à ce même endroit. Le cambrion est entouré de 14 petits clous en bois qui l’aident à être maintenu en place et qui sont un autre détail de l’attention particulière qui est développée pour la confection de ces souliers. L’étape au dessus, c’est le cambrion en bois, comme chez les grands bottiers, mais ça c’est une autre histoire !
Autre détail important, tous les modèles à plateau (sur la photo ci-dessous) ont un plateau entièrement cousu à la main. Ca donne un rendu beaucoup plus propre que pour une couture machine.
Et pour finir, on peut aussi noter que quasiment tous les modèles sont montés en cousus goodyear « sous gravure fermée », c’est à dire que la couture est protégée sous la semelle en cuir. C’est un détail esthétique plus qu’un véritable atout technique. Seulement quelques modèles sont cousus en goodyear non fermé.
Les différentes formes de chaussures
La forme, c’est le « moule » sur lequel est montée la chaussure. C’est comme la coupe d’un costume. C’est elle qui donne la silhouette de la chaussure, et qui donne au final un modèle plus large ou plus effilé ou plus étroit par exemple. C’est cette forme qui détermine à la fois le confort dans la chaussure et l’aspect esthétique du modèle, d’où son importance.
Toutes ces formes ont été développées par la marque, et sont comme un trésor à protéger. Elles font l’identité de 7L. La forme de mes boots est par exemple un arrondi particulier, qui est rond, mais pas trop. Vous voyez ? Ça se joue dans les détails !
Je vous recommande de jeter un œil sur le site pour vous faire une idée des différentes formes proposées par 7L, avant de faire un tour en boutique ou sur l’eshop pour voir quel modèle vous plait dans la forme qui vous convient.
Si vous ne savez pas quelle forme vous va, allez directement en boutique, c’est là-bas que vous trouverez les meilleurs conseils.
Et pour la petite histoire le nom « septième largeur » vient de la largeur « D » que la marque utilise principalement pour monter ses souliers sur la forme 199. C’est la septième largeur !
Les patines Septième Largeur
C’est un service proposé par la marque, et qui plait beaucoup à ceux qui aiment avoir des souliers colorés, avec des traces de pinceau et des effets que seule la main de l’homme et des heures d’effort peuvent donner.
Ce n’est vraiment pas du tout mon truc, j’aime les couleurs classiques et unies, mais ce que je sais, c’est que la maison fait ça divinement bien !
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Les chukka Septieme Largeur : un modèle tout terrain
Le premier modèle que j’ai testé est une paire de chukka taupe, forme 198. Esthétiquement, le modèle est un équilibre parfait entre une paire de bottines décontractées (dans le genre desert boots) et un modèle plus habillé. La forme assez allongée, mais pas pointue, donne une belle courbure au pied. Elles ne font pas de grands ou de petits pieds, mais au contraire elles laissent au pied sa forme naturelle. C’est le signe d’une forme bien équilibrée.
Comme dans les autres paires que j’ai pu essayer, le confort est au rendez-vous, et pas seulement pour les 10 premières minutes. Contrairement à mes Crockett and Jones que j’ai dû porter de nombreuses fois avant que cela devienne supportable, ici je n’ai jamais eu mal aux pieds (Attention : cela n’enlève rien à la qualité des Crockett and Jones qui est très loin au dessus de Septième Largeur. Je pense toujours que Crockett and Jones est l’un des meilleurs bottier au monde). C’est un point très positif quand on vient de s’acheter une paire qu’on a frénétiquement envie de porter, même en dormant !
Côté style, c’est une couleur très contrastante, qui donne un modèle qui se portera parfaitement avec des pantalons foncés, comme c’est le cas ici avec un jean selvedge. Un chino bleu marine fera aussi parfaitement la paire. Ce n’est pas plus un modèle d’été que d’hiver, on peut vraiment le porter toute l’année, mais c’est un modèle que je vous déconseille de porter un jour de pluie, pour éviter de tâcher ou de mouiller le cuir veau velours de cette couleur.
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Les bottines Septième Largeur
Pour cette seconde paire j’ai aussi choisi un veau velours, car c’est ce qu’il manquait dans ma penderie. J’ai sélectionné les Prosper, un modèle couleur « tabac » en forme 229, que je trouve parfaites. Le bout rapporté – aussi appelé « cap toe » – légèrement décoré apporte une touche d’originalité à cette paire, tout en restant très discret. La couleur est vraiment belle, car elle varie avec la lumière. Au final, le marron évolue en fonction de l’intensité lumineuse. Il se fonce quand il fait sombre et tire sur le marron clair sous le soleil.
La languette rembourrée est très confortable. Elle est d’une belle épaisseur, ce qui confère beaucoup de moelleux au niveau du cou-de-pied. Même si je trouve la tige un peu large – j’aurais préféré me sentir plus serré à ce niveau – cela donne cependant une excellente mobilité au niveau de la cheville. Et finalement, la languette molle combinée à la tige assez large procure un confort très appréciable, qui donne envie de faire de longues marches avec cette paire.
Ce genre de cuir est vraiment souple et increvable. Contrairement à un cuir lisse qui craint les accrocs et le moindre choc. Cette bottine c’est le 4×4 de la chaussure de ville. N’ayez pas peur de faire de la moto ou du scooter avec, vous pourrez quasiment toujours les récupérer, même si elles prennent l’eau. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de faire du scooter des neiges à Courchevel en pleine tempête les pieds dans la poudreuse pendant 2 heures. Résultat ? Elles sont en pleine forme !
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Septieme Largeur, une marque à connaître
Ce genre de petite marque, c’est ce qui me donne le sourire tous les jours. J’aime voir que la passion et le savoir-faire peuvent mener à la réussite. Une réussite stylistique et qualitative, mais aussi une réussite commerciale. On est loin de l’opulence des marques bon marché, mais avec 2 boutiques à Paris et 3 à l’étranger (Singapour, Taiwan, Genève), on peut dire que c’est un bon rythme après 8 ans d’existence. Voilà qui complète donc ma liste de fabricants de souliers de qualité qu’on compte sur les doigts d’une main. D’ailleurs, mon cordonnier a largement validé ma paire après m’avoir posé un fer encastré. Si vous saviez combien de paires il a vu passer dans sa vie, vous pouvez – comme moi – lui faire entièrement une confiance !
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Dans ce contexte de crise sanitaire, il me semble important de vous informer qu’une simple goutte de gel hydroalcoolique, tombée sur ma bottine Moissac (marqué Septième largeur) a complètement détruit le cuir.
Soyez en conscients avant tout achat surtout que la marque refuse de considérer cela comme un vice caché ou un défaut et donc de prendre en charge le remboursement (même d’une partie du prix).
Est seulement proposé une recoloration .. laquelle sera sans résultat (étant déjà passé chez un cordonnier pour tenter une réparation)
Bien à vous,
Hello Greg, c’est un jean selvedge de chez Uniqlo, le modèle brut coupe slim.
J’en ai plusieurs que je porte depuis des années, tu peux y aller, c’est un excellent jean pour un très bon prix.
Bonsoir,
Puis-je connaître la marge et le modèle de votre jean ?