Comme de nombreuses pièces du vestiaire masculin, c’est dans un contexte militaire que la saharienne est née. En effet, avant de devenir une veste chic et polyvalente appréciée des amateurs du style sartorial, ce vêtement utilitaire était tout sauf tendance et permettait seulement à son porteur de rester en vie. Pour tout savoir sur la saharienne, il nous faut revenir sur différents épisodes marquants de l’histoire des 19 et 20ème siècles. Bien sûr, après ce petit saut dans le passé, on vous aidera à choisir une saharienne de qualité et à composer des tenues variées grâce à elle. C’est parti !
Un léger problème de camouflage
Entre 1839 et 1842 a lieu ce qu’on appelle la première guerre Anglo-Afghane. Dans un conflit d’intérêts territoriaux qui oppose la compagnie anglaise des Indes orientales à l’empire de Russie, L’Émirat d’Afghanistan devient un état tampon entre ces deux grandes puissances. Dès 1839, l’Angleterre envahit le territoire mais fait rapidement face à des révoltes. Certains de ses représentants officiels sont massacrés sur place. À partir de 1842, l’évacuation de Kaboul est ordonnée et les anglais s’enfuient vers Jalalabad en formant une colonne gigantesque de 16 500 soldats et auxiliaires.
Dans cet environnement montagneux et désertique, les troupes anglaises, tout de rouge vêtues, sont des cibles de prédilection pour les tireurs embusqués afghans. Lors de la bataille de Gandamak, l’intégralité de la colonne est décimée, à l’exception de l’assistant-chirurgien William Brydon.
À partir de cet évènement traumatique, les anglais vont remettre en question l’efficacité de leur uniforme militaire rouge vif et progressivement adopter la logique du camouflage.
Une couleur nommée khaki
Quelques années plus tard, l’Angleterre entre en conflit avec l’Empire Sikh du Pendjab, situé dans l’actuel Pakistan. La légende raconte qu’en 1948, un lieutenant du nom de Hodson aurait fait venir d’Angleterre du tissu terne dans le but de confectionner un tout nouvel uniforme pour le Corps des Guides, enfin adapté aux spécificités du terrain et du climat. Rapidement, les soldats portant cet uniforme inédit se font appeler « khakis », mot persan signifiant « poussière ».
En Inde, les anglais se servent de la chasse comme d’un moyen de transmettre leur art de vivre et d’asseoir leur suprématie. Elle devient un moyen d’afficher publiquement son statut social privilégié. Afin d’adapter leur uniforme à cette pratique, les anglais vont l’optimiser en y ajoutant de larges poches au niveau de la poitrine et des hanches, utiles pour ranger munitions, couteau, lunette d’observation et mouchoirs.
Attention, à aucun moment, on ne parle de Safari Jacket pour désigner cette veste. Sur place, on l’appelle Shikar Jacket. Il s’agit d’un mot Hindi / Urdu signifiant « chasse ».
Khaki drill & Safari jacket
À l’aube du 20ème siècle, l’armée britannique fait du « Khaki Drill » son uniforme de combat officiel. Il est utilisé de 1900 à 1948, le plus souvent dans des zones d’opérations désertiques ou tropicales : Afrique du Sud lors des guerres des Boers, Méditerranée, Maghreb pendant la seconde guerre mondiale… Bien évidemment, on le retrouve aussi lors des deux grands conflits mondiaux, avec quelques variantes et modifications diverses. Il se caractérise par la présence de 4 grandes poches à soufflet sur la poitrine et la taille, un grand col de chemise, des épaulettes et un ceinturon. L’esthétique de la saharienne originelle sera d’ailleurs largement réutilisée pour mettre au point les futures vestes M-41 et M-43.
Au début du 20ème siècle, les voyages maritimes et ferroviaires se développent très rapidement, rendant possible une toute nouvelle forme de tourisme. Des territoires difficilement accessibles comme l’Afrique ou l’Inde le deviennent pour le commun des mortels. Entre 1909 et 1910, le président Roosevelt embarque pour une expédition scientifique en Afrique de l’Est et en Afrique centrale. Évidemment, tradition oblige, plus de 11 000 animaux sauvages sont tués lors de parties de chasse.
Puisque ce type d’expéditions dédiées à la chasse se multiplient, la demande d’équipement et de vêtements de chasse explose. Les américains reprennent le design de la Shikar Jacket mais préfèrent l’appeler Safari Jacket, reprenant le mot swahili « safari » tiré de l’arabe « safar », « voyage ». En 1936, l’écrivain Ernest Hemingway, adapte de parties de chasse en Tanzanie, demande à Willis & Geiger de lui confectionner sa légendaire Bush Jacket.
Immédiatement après, Abercrombie & Fitch ajoute un modèle de Safari Jacket à son catalogue. La mode est lancée et Hollywood n’hésite pas à la mettre en avant sur les épaules de Stewart Granger, Robert Mitchum ou Clark Gable.
Cerise sur le gâteau, à la fin des années 60, Yves Saint-Laurent et Ted Lapidus revisitent la saharienne de l’Afrikakorps pour en faire une icône mainstream. Dès 1969, elle est proposée à la vente dans la fameuse boutique Rive Gauche. C’est ainsi que la saharienne a débuté sa transformation, en passant d’un vêtement militaire à un vêtement pacifié, porté avec élégance sur les grands boulevards plutôt qu’en opérations extérieures.
Comment choisir une saharienne ?
Autrefois exclusivement en coton, la saharienne se décline aujourd’hui dans plein de tissus différents. Ça peut être du coton, de la moleskine, du velours, du tweed, du lin et du chanvre, du cuir… Évidemment, on vous recommande de choisir une matière de qualité, tissée en Europe de préférence. Si elle a été tissée par un atelier réputé c’est encore mieux. Bien sûr, on ne néglige pas la coupe, la doublure, et les détails tels que les boutons, la ceinture et les épaulettes.
Où acheter une saharienne de qualité ?
Voici une liste de boutiques et marques de qualité où trouver une saharienne de qualité pour homme :
- ISTO : Cette marque portugaise de basiques de qualité propose des modèles de sahariennes en coton ou en coton ripstop légers légèrement revisités. En plus des boutons en corozo, la veste dispose d’une fermeture zippée. La ceinture a été remplacée par des cordons. 245 €. Chez Isto.
- SUIT SUPPLY : Pour limiter la facture, vous pouvez vous rendre chez Suit Supply qui propose de jolis modèles avec ou sans ceintures, en lin et en mélange de laine et de cachemire. Les prix commencent à 229 € et vont jusqu’à 299 €. Chez Suit Supply.
- CADOT : La marque Cadot dispose d’encore quelques modèles de sahariennes en stock dans certaines tailles, en velours, coton, flanelle ou seersucker. Les tissus proviennent de grandes maisons comme Brisbane Moss ou Huddersfield. À partir de 180 € et jusqu’à 390 €. Chez Cadot.
- A KIND OF GUISE : Cette saison, la marque allemande revisite la saharienne en proposant une version amples dotée de poches destructurée. La matière utilisée est un mélange de viscose et de coton, travaillée pour donner un aspect flammé. La couleur et la texture sont sublimes. 520 €. Chez AKOG.
- FLEURS DE BAGNE : Hormis le choix du col cubain, la marque originaire d’Aix-en-Provence propose une version assez fidèle à la veste d’origine. La magnifique toile à chevrons provient de chez British Millerain et les boutons en laiton viennent de la manufacture Corne & Corozo. Fabrication française et européenne. 390 €. Chez Fleurs de Bagne.
- FORTELA : La saharienne prend des airs de Western Jacket chez Fortela avec ces rabats de poches originaux. On reste tout de même très proche du modèle militaire avec les épaulettes et la ceinture de serrage. Proposée en drill de coton olive ou khaki ainsi qu’en drap de laine navy. Fabrication italienne. 460 €. Chez Fortela.
- SPIER & MACKAY : Pour nos amis canadiens, voilà une marque qui propose une très belle sélection de Safari Jacket dans des velours, laines et moleskines de chez Brisbane Moss et Abraham Moon. En période de soldes c’est très intéressant. 278 $. Chez Spier & Mackay.
- POSZETKA : La marque polonaise est une très bonne référence pour les sahariennes en tweed anglais de chez Marling & Evans et en lin. Vous pouvez foncer, surtout en période de soldes. À partir de 300 €. Chez Poszetka.
- SHANGRI LA HERITAGE : La saharienne version haut-de-gamme avec des matières telles que le Ventile, le denim ou le veau suédé pleine fleur. De 795 € à 1195 €. Fabrication italienne. Chez Shangri La Heritage.
- PRIVATE WHITE V.C : La marque de Manchester propose très souvent des modèles de Safari Jacket en lin irlandais, coton ou suédé. < 700 €. Chez PWVC.
- THE RAKE : En naviguant sur le site du multimarques, vous trouverez des sahariennes revisitées par des marques telles que Rubinaci ou G. Inglese. Chez The Rake.
- LA MAUBOURG : La marque de Julien Scavini est une belle référence française pour trouver des sahariennes en velours, moleskine et lin / chanvre. Fabrication française. Entre 540 et 580 €. Chez Scavini.
Comment porter la saharienne ?
Très appréciée au printemps et en été, la saharienne peut toutefois se porter en toutes saisons à condition de choisir la matière adaptée. Le lin ne remplira pas les mêmes fonctions que le tweed. En tout cas, c’est une pièce très polyvalente qui se porte comme une veste légère ou une grosse surchemise, seule ou en dessous d’un pardessus. Généralement, les couleurs proposées sont ultra classiques, pas de soucis pour les associations.
Casablanca nid d’espion
Dans Allied de Robert Zemeckis, l’espion joué par Brad Pitt porte magnifiquement bien la saharienne en lin bleue, accompagnée d’un pantalon à pinces couleur sable et d’un polo piqué beige. J’apprécie particulièrement le mélange d’élégance et de décontraction de cette tenue. Certes l’action se déroule au Maroc pendant la seconde guerre mondiale mais c’est le genre d’inspiration que vous pouvez facilement reproduire. Évitez quand même de vous balader avec une mitrailleuse.
Casual sartorial
Revenons en 2022 et regardons ensemble comment composer une tenue chic qui passera très bien dans un cadre urbain. Pour les pièces du haut, vous pouvez commencer avec une chemise claire à fins carreaux ou motifs agrémentée d’une cravate, uni ou à motifs. C’est à vous de voir. Vous n’aurez plus qu’à jeter une jolie saharienne sur vos épaules. En bas, un denim et une paire de chaussures à boucles ou de chukka et le tour est joué. On oublie pas d’accessoiriser avec des gants, une montre, un mouchoir…
Le look baroudeur
Si vous aimez l’idée que l’on se fait généralement du style explorateur, baroudeur, rien ne vous empêche d’opter pour une superbe saharienne en suédé. Les mecs de chez Shangri La Heritage proposent une tenue intéressante composée d’une chemise à col cubain blanche, d’une saharienne en cuir, d’un denim blanc coupe droite et d’une paire de derbies sauce Michael Paraboot. Entre les lunettes de soleil, le foulard et le décor somptueux en arrière plan, on est transporté à des milliers de kilomètres de chez nous.
British heritage
Je tenais absolument à vous montrer qu’on peut également créer des tenues orientées workwear avec une saharienne. Évidemment l’effet est renforcé avec des matières telles que le tweed ou la laine et certains cotons chevrons. Le port de la chemise et de la cravate ne connoteront pas la tenue de la même manière que dans le second look. On est plus proche de l’ouvrier anglais de Birmingham que du banquier de la Défense. Attention tout de même à ne pas tomber dans l’excès de matières contradictoires. Ici le tweed marron se marie bien au velours vert mais gare à l’excès de pied de poule sur la casquette et les gants.