Depuis quelques années, nous observons pour notre plus grand plaisir un regain d’intérêt envers une élégance classique, reflétée par ces vestes dites ‘sport’, ces pantalons à la taille haute, ces chemises luxueuses et ces cravates soyeuses. Ce style d’antan semble être revenu aux goûts du jour, à travers un souffle nouveau.
Effectivement, ce style classique revêt désormais un aspect plus moderne.
Les puristes emploient le terme anglais sartorialism (sartorialisme en français) pour traiter de la chose. Pour en dresser le portrait, nous dirons qu’il s’agit d’un style inspiré de l’art tailleur, revisité dans un esprit plus contemporain, notamment dans l’exécution des coupes.
Ce style très flatteur présente néanmoins des obstacles pour les marques qui s’en revendiquent. En effet, il faut une connaissance précise de ce qui fait le sel d’un vêtement d’inspiration tailoring. Tout y est affaire de détails et de proportions car il faut savoir adapter un vêtement classique ( par exemple un pantalon à pinces ample et haut sur la taille) afin d’en faire un vêtement dans les standards de notre époque, c’est-à-dire coupé près du corps, soulignant la silhouette.
En ce sens, nous avons eu la joie de découvrir une jeune marque amstellodamoise, pour laquelle l’art tailleur est paradoxalement une affaire de famille de longue date.
J’ai le plaisir de vous présenter la marque hollandaise Besnard La Haye.
Un héritage familial
La maison Besnard La Haye a été fondée en 2018 par Victor Besnard. Lors de sa jeunesse, ce passionné d’élégance travailla en parallèle de ses études pour le compte d’un multimarque de luxe et plus tard pour un tailleur d’Amsterdam. Au cours de ses expériences, il développa sa sensibilité stylistique et son goût pour le savoir-faire traditionnel. Néanmoins, à la fin de sa formation universitaire, il se consacra uniquement à sa carrière professionnelle dans le conseil avant d’être rattrapé par ses passions de jeunesse.
En 2016, il fit la découverte d’un héritage centenaire concernant l’élégance masculine. C’est en trouvant un costume réalisé par son arrière-arrière-grand-père, Albert Besnard – tailleur réputé à la Haye et gérant de la maison éponyme de 1876 à 1915 – qu’il décidera de se replonger dans la chose vestimentaire.
Galvanisé par les valeurs d’intemporalité et de savoir-faire défendues par son aïeul, c’est sur base de cette héritage que Victor Besnard relança la maison familiale en 2018 avec l’objectif d’offrir une collection de vêtements tailoring en prêt-à-porter.
Désormais, Victor gère d’une main de maître l’affaire familiale, en parallèle de sa carrière de consultant en stratégie et digital. Un homme passionné qui a fait de l’excellence son leitmotiv.
La marque Besnard La Haye
Victor Besnard a pensé sa marque en mêlant sa passion pour l’élégance traditionnelle et l’extrême exigence de la fabrication artisanale. On retrouve donc un vestiaire d’inspiration classique revisité aux goûts du jour. La garde-robe Besnard se concentre autour d’essentiels du style « sartorial » : pantalons à pinces, chemises aux cols larges, sahariennes en laine ou encore des cravates en soie. En somme, toute la panoplie de vêtements qui dirigent une tenue décontractée vers un registre plus habillé. Toutes les pièces sont également pensées pour être complémentaire les unes avec les autres.
La marque est distribuée uniquement en ligne, sur un site web particulièrement bien organisé. Le fondateur porte un intérêt particulier à transmettre toutes les informations sur les qualités de ses produit. Ainsi, on retrouve une section « Journal » sur le site web, qui distille quelques articles à travers lesquels on découvre les origines historiques de chaque vêtement fabriqué ainsi que les standards de fabrication de la marque. Globalement, le client dispose de suffisamment d’éléments pour être guidé à travers son expérience d’achat.
Test du vestiaire Besnard La Haye
La chemise rayée OCBD
Pour mon premier choix, je me suis orienté vers une chemise Oxford Cloth Button-Down (OCBD shirt en anglais), c’est-à-dire une chemise en tissu oxford et à col boutonné. Très caractéristique du vestiaire des étudiants de l’Ivy League américaine de 1950, elle est un symbole du style preppy.
Caractéristiques techniques
- Tissu oxford en coton Pima américain de 180gr
- Coupe ajustée
- Une poche poitrine
- Col boutonné de 9 cm
- Boutons en nacre australienne
- Fabriquée à la main en Italie
Cette blue university striped shirt est fabriquée à la main en Italie. Elle est taillée dans un coton Pima américain, cultivé dans le sud-ouest des États-Unis : sa fibre est longue et lisse ce qui lui confère une résistance deux fois plus important qu’un coton standard. Ce tissu est un « two-ply », c’est-à-dire qu’il est tissé avec un fil lui-même composé de 2 fils torsadés. Cette particularité lui accorde une véritable “nervosité”. Le tissu n’est pas fluide et froissable mais légèrement rigide et peu sensible au froissement. C’est un tissu assez lourd avec ses 180grammes, qui offre un excellent tombé et qui va très bien vieillir. Au fur et à mesure des ports et des lavages, la matière va s’assouplir pour un meilleur confort.
Personnellement, je trouve le tissu très soyeux et agréable sur la peau, on sent que la chemise est d’excellente facture, bien au-dessus de l’impression laissée par mes autres chemises oxford.
Intéressons-nous à la coupe. Bien qu’elle reprenne les codes de la chemise OCBD traditionnelle, on est loin de la silhouette bouffante voire informe que proposent d’autres marques. La coupe est ajustée : elle suit la silhouette sans toutefois mouler. C’est assez bluffant car la marque a véritablement réussi à trouver un équilibre pour garder une belle ligne avec juste ce qu’il faut d’ampleur pour conserver du confort.
Cette chemise a été pensée pour être portée avec une veste sport ou un costume. En effet, la longueur est généreuse – 80,5 cm de longueur au dos sur une taille 39 – parfaite pour être portée dans le pantalon sans que la chemise n’en ressorte.
Sur une chemise, mon attention se porte toujours sur le col, en termes d’ouverture et de largeur. J’ai un cou assez épais et en tant qu’amateur de cravates, j’aime toujours boutonner les cols de mes chemises. Le plus souvent je me sens très à l’étroit au col sur mes chemises de prêt-à-porter. Sur cette chemise, je peux boutonner le col sans aucune gêne avec une tension idéale sur mon cou pour que le col tienne.
Le col de chemise est vraiment généreux, avec 9 cm de largeur. C’est tout bonnement un plaisir de disposer d’un col dont les proportions se marient parfaitement avec les revers larges d’une veste. Par ailleurs, ceux qui nous suivent sur Instagram le savent très bien : chez Verygoodlord, nous sommes de grands aficionados de cols larges et généreux. Nous avons même créé le hashtag #petitcol en réaction à tous ces petits cols de chemise qui pullulent dans le prêt-à-porter actuel. D’ailleurs, si vous en voyez un près de chez vous, signalez-le sur l’application StopPetitCol.
Les manches disposent d’une longueur de 67 cm pour une taille 39. C’est à mon sens trop long, particulièrement pour moi qui mesure 1m73. Portée avec une de mes vestes, les manches apparaissent en excès. Si vous faites moins de 1m75, avec une longueur de bras « normale », il faudra peut-être passer par la case retouche. En revanche, je pense que cela tombera très bien si vous êtes grands ou avez régulièrement le syndrome des manches trop courtes. On retrouve des poignets simples, munis d’un seul bouton, dans l’esprit original des chemises OCBD. Il aurait été intéressant que les poignets disposent d’un second bouton de manière à réduire l’ouverture pour être en mesure d’ajuster la longueur. Cependant, il n’est pas compliqué de poser un second bouton, et je le ferai peut-être à l’avenir.
Il faut souligner les détails de confection qui distinguent cette chemise. Par exemple, l’emmanchure est décalée, c’est-à-dire que les empiècements du corps et des manches ne se rejoignent pas en un point unique comme sur la plupart des chemises mais en deux points, d’où l’appellation « décalée ». Cela permet d’avoir une chemise qui suit mieux suivre le tombé naturel des bras vers l’avant. C’est une finition extrêmement rare dans le prêt-à-porter car elle exige davantage de travail puisque la chemise doit être montée à cet endroit en deux étapes, au lieu d’utiliser une seule couture. Le résultat procure beaucoup plus de confort lorsque le bras est en mouvement et le tombé de la manche suit davantage celui du bras.
Pour conclure, tous ces minutieux détails résultent en une chemise qui met en valeur la silhouette sans sacrifier le confort. C’est un tour de force car souvent en prêt-à-porter les chemises sont soit bien coupées mais peu confortables, ou confortables mais bouffantes.
Le chino en coton
Le chino en coton beige à pinces est un must-have de la garde-robe masculine. Il est facile à accorder en couleur et très polyvalent grâce à son style épuré. C’est le premier pantalon que je recommanderais à celui qui veut débuter une garde-robe classique et élégante.
Caractéristiques techniques
- Tissu en twill de coton 7.5 oz
- Coupe moderne : ajustée idéale, taille haute naturelle
- Couleur ‘stone’
- Fabriqué au Portugal
En tant que clients, nous ne voyons que peu le travail requis pour fabriquer un pantalon de qualité en prêt-à-porter, dont la coupe conviendrait au maximum de personnes. Sur les photos que vous verrez de ce chino Besnard La Haye, seule la longueur de jambes a été retouchée. Tout le reste, taille y compris, est « d’origine » pour employer le jargon automobile.
Le premier élément qui m’a frappé avec le chino Besnard, c’est la justesse de sa coupe. Ceci est permis grâce à sa hauteur dite « naturelle », avec une demi-fourche avant (la mesure qui va de la couture de l’entrejambe jusqu’à la ceinture sur l’avant du pantalon) de 29,5 cm pour une taille 50, qui allonge visuellement les jambes. Par abus de langage, on dira que c’est un pantalon taille haute.
La ceinture tombe juste en dessous du nombril chez moi et se pose sur le haut des hanches. Pour en avoir fait l’expérience, une ceinture placée au-dessus du nombril (ce qu’est d’ailleurs une véritable taille haute) est franchement gênante car il faut sans cesse resserrer les ajusteurs latéraux qui se relâchent et cela compresse la taille une fois assis. La seule solution viable est alors le port de bretelles.
Dans ce cas-ci, la taille du pantalon est ajustée comme il le faut sur les hanches et on peut adapter les pattes de serrage pour donner plus ou moins de confort à la taille. J’apprécie particulièrement le passant de ceinture latérale qui s’associe brillamment avec les side adjuster : le résultat est très élégant et il n’est plus nécessaire de s’encombrer d’une ceinture.
Par ailleurs, ce chino dispose d’un pli tourné vers l’extérieur, à l’italienne – à l’inverse du pli français, lui tourné vers l’intérieur – qui ajoute du confort, notamment lorsqu’on est assis. Je ne me sens nullement à l’étroit aux cuisses et le pantalon dispose d’un excellent tombé : il « tombe » sans boudiner les cuisses ou l’arrière des genoux.
La coupe se resserre très légèrement vers le bas garantissant un résultat moderne.
Concernant le sizing, je porte le pantalon dans une taille 50, sachant que je mesure 1m73 et pèse 80 kg. En effet, j’ai des cuisses et un postérieur assez volumineux – merci la musculation – mais des mollets relativement petits. C’est très difficile pour moi de trouver des pantalons élégants avec une telle morphologie car la coupe paraît souvent déséquilibrée entre le haut et le bas des jambes.
Néanmoins, je trouve le résultat très harmonieux dans le cas présent, et ce grâce à l’ouverture de jambe de 19,5 cm. D’expérience, en dessous de 19 cm, cela devient trop étroit pour moi, mais il faut toujours relativiser cette valeur en fonction de sa propre morphologie et ne pas hésiter à retoucher le fit aux mollets si cela paraît trop large visuellement.
Le pantalon est vendu avec un bas non fini afin de faire retoucher à la longueur qui nous convient. Pour ma part, j’ai opté pour une longueur classique, un peu en dessous de la malléole, et j’ai ajouté un bas revers de 4,5 cm car cela donne du poids au bas de pantalon afin d’assurer un tombé net.
Le chino est fabriqué dans un twill de coton 7,5 oz de chez Brisbane Moss. C’est un poids de toile idéal pour être porté toute l’année, que je trouve très équilibré pour à la fois durer sans être une armure de coton, trop rigide. Je recommanderais tout de même aux plus frileux d’opter pour un collant fin lorsque les températures sont très basses.
Côté détails, on retrouve une braguette boutonnée, très réussie d’un point de vue esthétique avec un côté traditionnel qui me plaît beaucoup mais moins pratique qu’une braguette zipée. Les poches arrière sont passepoilées et munies de boutons également.
Enfin, l’intérieur est doublé à la ceinture, aux poches et à l’entrejambe dans un joli tissu en coton rayé bleu ciel. C’est très confortable et accroît la résistance du pantalon sur ces zones où les frottements sont réguliers.
La cravate en grenadine de soie
A travers les années, j’ai constitué une collection de cravates de toutes sortes. J’ai environ 40 cravates de qualités de styles différents. La cravate en grenadine de soie manquait indéniablement à l’appel. Elle est celle que je mettrais volontiers avec un costume uni, tel qu’un complet en flanelle grise cet hiver.
Caractéristiques techniques
- Grenadine Garza Grossa bleu marine
- Fabriquée en Italie
- 8 cm de largeur
- Cravate 3 plis
- Non doublée
- Bords roulotés à la main
Intéressons-nous d’abord à la matière. Il s’agit d’une grenadine de soie bleu marine, obtenue par un tissage sur des métiers anciens qui datent du XVIIème siècle. Sa fabrication demande du temps et du savoir-faire.
On peut voir à travers le tissage sur les extrémités car la cravate est non doublée. Cela lui donne une souplesse très agréable et qui se ressent lorsqu’on réalise le noeud de cravate : il ne fait nullement pression au niveau du cou.
Le plus souvent, on retrouve un simple repli sur les bords de la cravate tandis que sur cette cravate en grenadine , les bords sont roulottés main : c’est un détail de puriste qui demande une grande compétence technique.
La cravate est dite 3 plis, cela signifie que la matière a été repliée trois fois sur elle-même pour donner la forme de la cravate finale.
Crédits : Julien Scavini
Un point d’attention crucial sur cet accessoire concerne la largeur. Elle est ici de 8 cm, une valeur idéale. Pour sa longueur, elle est de 148 cm et est suffisamment longue pour exécuter tout type de noeuds.
Mon avis sur la marque Besnard La Haye
La marque Besnard La Haye est une prouesse en prêt-à-porter. Force est d’admettre que Victor a réussi à insuffler les valeurs d’excellence et de savoir-faire de son arrière arrière grand père dans sa marque.
Suite à mes échanges avec lui, je tenais à souligner son attention permanente pour la qualité. Il suffit de se rendre sur son site web pour le remarquer : rien n’est laissé au hasard. C’est un véritable acharné de travail qui n’hésite pas à mettre tout en œuvre pour créer un vestiaire qui va accompagner ses clients pendant de longues années. Autant sur les formes que sur les choix de matières, en passant par la façon, Victor tente de délivrer la plus belle version de chaque pièce.
Sur quel point suis-je en reste ? Je dirais l’originalité. J’aimerais beaucoup voir des chemises avec davantage de couleurs (pourquoi pas une OCBD à rayures jaunes ou vertes) et d’audace sur les tissus de pantalons. La marque est assez jeune et au regard de ses dernières sorties, comme cette superbe saharienne en laine de chez Abraham Moon, elle est est prometteuse.
Parlons du prix. Il faut compter 160 à 170 euros pour une chemise, 200 euros pour un pantalon en coton (240€ pour la version en laine de chez Vitale Barberis) et entre 90 à 150 euros (cravate 7 plis) pour une cravate, le tout réalisé en Italie et au Portugal.
Au regard du niveau de qualité proposé, les prix sont largement justifiés. Il s’agit de vêtements haut-de-gamme qui dureront plusieurs années sans sourciller.
Si vous êtes passionné par le « sartorialisme », ou que vous souhaitez simplement ajouter davantage d’élégance dans votre penderie, je ne peux que vous recommander la marque Besnard La Haye.
Farid
Cliquez-ici pour retrouver la marque Besnard La Haye.