Longines Serbe ref 3494

Voilà déjà dix ans que j’ai décidé de devenir chasseur de trésors et d’en faire mon métier. On pourrait aussi dire que je suis « Marchand » de montres anciennes mais j’aime m’appeler « chasseur » car c’est la meilleure définition que l’on puisse trouver pour cette profession atypique.

En effet, ces deux activités se ressemblent beaucoup car dans les deux cas il faut être un fin limier pour dénicher LA pépite et c’est cette quête de la pièce unique qui nous anime et nous fait vibrer tous les matins en démarrant la journée.

En plus de ma casquette de marchand, je suis devenu Expert auprès des salles de ventes aux enchères et dans des sociétés comme Watch Certificate™ et cette nouvelle activité me permet aussi de croiser la route de pièces d’exception. Je m’estime très chanceux d’arriver à vivre de ma passion et c’est pour cela que j’aime la partager avec vous.


Une passion : dénicher des trésors

Partir à la chasse aux montres de collection (ces oiseaux rares qui ne sont plus produits, avec un savoir-faire qui se perd) nécessite beaucoup de patience contrairement à un achat sur catalogue. Il s’agit de se mettre en recherche sans savoir ce qu’on pourra débusquer en faisant appel à ses connaissances, son expertise, son flaire et ses talents de négociation. Il y a bien-sur une grande part de chance et de hasard, mais c’est surtout beaucoup de travail et avec cet article j’aimerais partager avec vous une expérience de chasse au trésor qui se termine bien !


A la recherche d’une montre rare en Belgique

Aujourd’hui j’ai décidé de vous parler d’une montre extrêmement rare, un objet dont seulement cinq exemplaires sont recensés dans le monde à ce jour. Je vous en dirai un peu plus sur les détails qui la rende unique dans un second temps car je vais commencer par vous raconter comment j’ai réussi à la dénicher en Belgique 🇧🇪.

Ce matin là une personne me contacte sur les réseaux. Elle vient de Belgique, collectionne les objets militaires et cherche à faire estimer une montre qui traine dans un tiroir depuis presque 50 ans sans savoir si elle souhaitait s’en séparer. Nous discutons pendant plusieurs heures, plusieurs jours même par intermittence, jusqu’au moment où nous décidons de nous rencontrer.

Rendez-vous pris, nous nous dirigeons une semaine plus tard avec ma femme vers la Belgique. Après une escale pour déguster une bière et une fricadelle, nous arrivons dans un petit village très pittoresque, qui aurait pu être charmant mais qui était avant tout super glauque.

longines serbo

Didier, un homme très charmant et affable, nous ouvre la porte et nous fait visiter son grenier rempli de trésors et de sa collection impressionnante. Il nous offre un café et va chercher ladite montre pour laquelle nous nous étions déplacés.

Tout en farfouillant dans un tiroir, il m’explique qu’il a reçu cette montre du fils de son premier propriétaire après l’avoir aidé pour son déménagement il y a une trentaine d’années. Cette personne avait fuit la guerre en Serbie pour venir s’installer en Belgique dans les années 90.

Il referme le tiroir et me ramène enfin la montre et ce n’est pas n’importe quelle montre !


La découverte de la Longines « Serbo »

J’ai sous les yeux une Longines dite Serbo, le Graal absolu pour tout collectionneur de Longines et de montres vintages. C’est une superbe montre avec un grand boitier de 38 mm, datant de 1937. (Nb :Il est vraiment rare de trouver un boitier de si grande taille pour une montre poignet ancienne, la moyenne était plutôt autour de 33 mm).

Malheureusement je n’arrive pas à cacher mes émotions et il comprend que la montre me plaît beaucoup. Je réfléchie à son estimation car je suis venu pour l’expertiser et pas juste la regarder, mais je n’arrive pas à détacher mon regard de cette beauté et j’ai envie de lui faire une offre pour repartir avec.

Il faut savoir saisir sa chance et ça tombe bien car Didier m’explique qu’il a besoin d’argent pour restaurer une voiture ancienne. Je lui fais donc une offre en ligne avec l’estimation, il l’accepte avec joie et nous fêtons ça autour d’une bonne bière belge !

La montre est à moi, je suis très heureux car j’ai le sentiment d’avoir déterré un trésor, une pièce unique dans l’histoire de l’horlogerie et je vais maintenant vous expliquer pourquoi.


Longines : une marque renomée

La manufacture Longines fut créée en 1832 à Saint-Imier dans le canton de Berne, en Suisse, par Auguste Agassiz et ses associés. Renommée pour ses montres gousset d’une extrême précision, Longines a déposé de nombreux brevets techniques et distribué de sublimes montres, encore très collectionnées aujourd’hui. Albert Einstein par exemple portait un élégant modèle en or jaune, datant de 1929, adjugé en 2008 pour 596.000 dollars, devenant alors la Longines la plus chère jamais vendue aux enchères.


Une montre rare

Mais revenons à notre pépite Belge !

Ce modèle, la Longines Serbe, était destinée aux diplômés de l’académie militaire de Serbie et fut éditée en deux versions. La première version de 1937, dont est issue notre trouvaille, était un cadeau directement offert par le Roi Serbe Alexandre aux jeunes diplômés. Cette version était aussi distribuée chez le célèbre détaillant Milan T.Stefanovich à Belgrade mais sans le marquage militaire.

La première édition de cette montre de 1937 fut destinée à la 62ème classe de l’académie, la seconde édition fut destinée à la 64ème classe en 1939. La différence majeure entre ces deux séries se situe sur le cadran.


Les détails de cette montre

La première série possède un magnifique cadran blanc avec des gros index 12-3-6-9, ainsi que de grosses aiguilles bleuies de forme dites « glaives ».

La deuxième série est équipée d’un magnifique cadran noir avec la même disposition des indexes et la petite seconde à 6h comme sur la série précédente. Le point commun de ces deux séries est la présence des armoiries de la Serbie en haut du cadran ainsi que la signature du détaillant Stefanovich.

Il y a aussi une différence de taille au niveau du boîtier. Le premier modèle mesure 38 mm de diamètre et le boitier du second modèle fait 37 mm. La gravure aussi n’est pas la même, celle de la première série est bien mieux faite, plus arrondie et plus fine que sur la seconde série (la gravure de la deuxième série est plus géométrique).

Petit détail qui renforce le coté historique du modèle chiné en Belgique, on remarque la présence des initiales de l’ancien propriétaire gravées à 11h et 13h. L’Aigle bicéphale, qui fait partie des armoiries de la Serbie, est présent sur les deux séries.


Une origine militaire

Les inscriptions en cyrillique signifient « protéger la Yougoslavie » ainsi que la classe pour laquelle était destinée cette montre (62ème ou 64ème classe). Ce marquage est avant tout un blason militaire, comme vous pouvez retrouver la mention MN ( Marine National) ou RAF ( Royal Air Force) sur le fond de boite d’une montre destinée à l’usage militaire.


La Longines référence 3494

Le modèle que je vous présente porte la référence 3494. Elle est équipée d’un calibre destiné à la base pour une montre Gousset : le calibre 15.26. C’est pour accueillir ce calibre de taille importante que le diamètre de cette montre est assez conséquent. (La seconde série destiné à la 64eme classe avait pour référence 2326.) En contactant La marque, Longines m’a gentiment transmis l’extrait d’archive.

Voici le message provenant des Archives de la maison Longines : « A l’origine, le numéro de série 4’968’390 identifie une montre-bracelet en acier inoxydable avec la référence 3494. Elle est équipée d’un mouvement Longines mécanique à remontage manuel, calibre 15.26. Elle a été facturé le 11 septembre 1937 à la maison Milan Stefanovitch, alors notre agent pour Belgrade. Par ailleurs, nos archives mentionnent les inscriptions et armoiries serbes pour officiers avec classe et année sur le fond et les armoiries et Milan T. Stefanovitch Belgrade sur le cadran . »


Une incroyable découverte

Je suis conscient que cette montre est extrêmement rare et qu’il s’agira sûrement du seul exemplaire que je croiserais sur ma route de chasseur de montre et que j’aurais en ma possession. C’est ce qui me motive à continuer à dénicher des produits originaux et rares car la satisfaction de trouver une pépite pareille n’a pas d’égal pour moi.

Qui dit « montre rare » dit aussi « montre compliquée à vendre » car elle ne parle pas à tout le monde. Il faut être un véritable geek pour collectionner ce genre de tocante, et nous n’étions pas nombreux à les reconnaître et les apprécier, mais le marché actuel me laisse entrevoir que les collectionneurs recherchent de plus en plus des produits non seulement rares mais originales et exclusifs comme cette montre peut l’être.

La spéculation sur des produits connus comme Rolex ou Patek Philippe continuera toujours mais les collectionneurs avisés irons de plus en plus vers des montres rares et cela me donne aussi l’envie de chercher toujours plus de pépites. Cet article avait pour but de vous faire partager ma passion et ce qui me motive à aller chercher une belle pièce d’horlogerie au fin fond d’un village pour vous garantir son authenticité. Effectivement je pourrais aller chiner chez des confrères ou en salle des ventes mais l’adrénaline que j’ai lorsque je trouve un produit 100 % original auprès de la personne l’ayant acheté en première main est inégalable.


Un nouveau marché de collectionneurs

Le marché actuel est en train de changer pour laisser place à un marché de collectionneurs et de puristes, il y a de plus en plus de jeunes qui rentre sur le marché de l’horlogerie de collection et cela redonne un peu d’oxygène à cet univers codifié et laisse de la place aux passionnés. La marque à la couronne restera toujours recherchée cependant les collectionneurs savent que le prix d’une montre ne fait pas tout.

En rédigeant cet article je me rends compte la chance que j’ai de pouvoir dénicher des produits rares et les proposer à des vrais passionnés et des collectionneurs afin de faire vivre un patrimoine d’exception et j’espère qu’il vous donnera à vous aussi envie de posséder l’un de ces rares trésors du temps.


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