PATEK PHILIPPE « NAUTILUS »

histoire de la nautilus de patek philippe (1 sur 1)

C’est en 1976 que Patek Philippe lance la Nautilus, l’une des montres les plus convoitée du monde actuellement. Car oui, cette montre aujourd’hui vendue en 2019 au prix catalogue de 27.780€ pour la référence classique 5711-1A-010 en acier avec cadran bleu n’est disponible que sur liste d’attente pour d’une période indéterminée de plusieurs années et se vend d’occasion autour de 60.000€ pour cette même référence. Autant vous dire qu’il n’est pas simple de mettre la main dessus, à moins de signer un très beau chèque.

Mais à défaut de pouvoir la passer à votre poignet, je vais vous conter ici l’histoire de la Nautilus de Patek Philippe.

patek nautilus 5711/1A-010 face histoire Patek nautilus
Patek Philippe Nautilus 5711/1A-010

La naissance d’un mythe

La légende débute en 1976 quatre ans après le lancement de la Royal Oak d’Audemars Piguet en 1972. A l’époque, la Nautilus est une montre à la forme particulière, qui attire tout de suite l’oeil. Sa lunette n’est ni ronde ni rectangulaire, mais octogonale, avec des côtés convexes (incurvés vers l’extérieur). Elle est relativement fine avec ses 7,6mm d’épaisseur, mais son diamètre de 42 mm en fait une montre assez large pour l’époque et elle est d’ailleurs rapidement qualifiée de « Jumbo« . On peut dire qu’elle était en avance sur son temps en termes de taille, sachant qu’un telle dimension est aujourd’hui totalement standard. Dès sa sortie, la Nautilus était 3 mm plus large que la Royal Oak, à laquelle on ne va cesser de la comparer un peu comme deux enfants d’une même fratrie.

nautilus-and-royal-oak
Royal Oak / Nautilus

Cela n’est pas absurde, car la paternité de ces deux modèles provient d’un même homme, Gérald Charles Genta (1931-2011), un dessinateur de montre renommé qui est à l’origine d’une série de pièces mythiques comme la Omega Constellation (1959) ; Patek Philippe Golden Ellipse (1968) ; IWC Ingénieur (1976); Pasha de Cartier (1985). Rien que ça !

Un boitier à la forme inhabituel

Pour le design de cette montre, Genta innove avec une forme inhabituelle qui s’inspire d’un hublot de bateau. Il propose une lunette octogonale arrondie et des « oreilles » sur le boîtier, avec une charnière d’un côté et une fermeture de l’autre. D’ailleurs, le nom de cette montre est directement inspiré du monde de la mer. C’est celui du sous-marin du capitaine Nemo dans le roman de Jules Verne « Vingt mille lieues sous les mers », même si les plus attentifs conviendront que les hublots du sous-marin en question étaient souvent dépeints comme ayant une forme ovale.

Mais la ressemblance de cette montre avec une « fenêtre » de sous-marin n’est pas seulement visuelle, car comme sur un hublot (et pas « une » Hublot…), les fixations qui servent à sceller le boitier sont situées de chaque côtés de la montre et non uniquement à l’arrière comme c’est le cas sur quasiment toutes les montres.

Par conséquent, le mouvement et le cadran sont extraits du boîtier par l’avant. Cette construction était à la fois intéressante pour son originalité esthétique mais aussi pour ses propriétés techniques, puisqu’elle permettait d’offrir à cette montre une étanchéité de 120 mètres qui était particulièrement élevée à cette époque.

Le boitier d’une 3700/1 dans lequel on vient poser mécanisme/cadran/lunette
Brevet de la Nautilus
Brevet de la Nautilus

Une montre sportive

N’oublions pas que, même si cette montre fréquente aujourd’hui plus les salons des grands palaces et les sièges en cuir des avions privés, elle était au départ une montre de sport, et les anciennes publicités pour cette Nautilus montraient le modèle porté sur deux poignets différents, l’un dans une combinaison de plongée et l’autre en tenue de soirée, à la fois pour les hommes et les femmes, avec cette phrase :

« They work as well with a wet suit as they do with a dinner suit« 
« Elle se porte aussi bien avec une combinaison de plongée qu’avec une tenue de soirée ».

Ancienne publicité Patek Philippe pour la Nautilus
Ancienne publicité Patek Philippe pour la Nautilus

Cette Nautilus vient concurrencer frontalement sa cousine (la Royal Oak) avec un design très proche et un prix un peu supérieur qui était à l’époque très élevé pour une montre en acier. En 1976, une Nautilus vous aurait coûté environ 15.000 francs, soit environ 9300€. D’ailleurs, il faut noter que les premières publicités pour la 3700 jouaient sur le prix de cette montre qui était très élevé et Patek mettez à l’époque en avant ce slogan :

« One of the world’s costliest watches is made of steel »
« L’une des montres les plus chères du monde est en acier »

Ancienne publicité Patek Philippe

Le bracelet intégré

Élément majeur de la « touche » Genta, ce bracelet est en fait la continuité du boitier, qu’il prolonge délicatement en une succession de maillons en acier brossé, liés entre eux par des rectangles en acier polie miroir aux bord arrondis. Ce bracelet intégré en acier a existé dans deux versions sur la Nautilus 3700. Les variations entre ces versions étaient infimes, et résidaient principalement dans les différences de largeur et hauteur des maillons. Les premières Nautilus – réf. 3700/01A – avaient un bracelet qui était large et plutôt droit alors que les suivantes – réf. 3700/11A – avaient quant à elles un bracelet plus effilé.

A noter que les bracelets des premières 3700 disposaient également de moins de liens que les suivantes. C’est une subtilité, je vous l’accorde, mais cet élément peut aider à dater une pièce. Selon les calculs, la 3700/01A a été produite de 1976 à 1982 à environ 3500 exemplaires et la 3700/11A de 1982 à 1990 à environ 1300 exemplaires. Le bracelet métallique intégré au boitier lui donne une allure rarement vue à cette époque, tout comme les rainures horizontales en relief sur le cadran.

Patek Philippe Nautilus 3700 acier 1976
Nautilus 3700 de 1976
Le bracelet intégré d’une 3700 de 1977, vendue chez A Collected Man
Le fermoir simple d’une 3700 de 1977, vendue chez A Collected Man

Un cadran bien singulier

Ce cadran est en grande partie ce qui a fait l’attrait de la montre au départ. Genta n’hésite pas à utiliser de la textures et aime jouer avec la lumière pour donner à la montre un « visage » captivant. Cependant, il est difficile d’expliquer aujourd’hui à quoi ressemblait un cadran des années 80. Ces montres ont bientôt plus de 40 ans, et elle sont par conséquent patinées.

Le cadran d’origine.

Avec les photos d’origine et les commentaires de ceux qui ont pu avoir une 3700 entre les mains à cette époque, on peut dire que la couleur originale était plus celle d’un fusain (gris anthracite) avec une légère touche de bleu dans ses reflets. Une merveille de contraste et de subtilité.

Cadran d’une 3700 vendue chez Bukowskis

Mais plus que la couleur de ce cadran, ce sont les sillons horizontaux qui sont les marqueurs les plus importants de cette création. Il serait impossible aujourd’hui à une autre marque de créer un cadran similaire sans que la critique ne fasse référence à Genta. Impossible !

Une 3700 bien patinée vendue chez Hodinkee

Côté technique, le cadran est en or massif – alors que le boitier est en acier – il est percé d’un guichet pour l’affichage de la date et les index et aiguilles sont en or blanc. Ces deux derniers éléments sont garnis de tritium pour assurer une excellente visibilité nocturne. Rien de bien extravagant dans leur dessin, la complexité du design de la boite et du cadran ne nécessitait en effet pas plus de détails. Il faut aussi noter que cette 3700 n’avait pas de trotteuse, mais uniquement les minutes et les heures.

Patek Philippe nautilus 3700 – 1977 – vendue chez A Collected Man
On peut voir la patine sur certains index.

Une montre qui se fait remarquer

Nul doute qu’elle ne passe pas inaperçue quand on la porte, tout comme elle n’est pas passée inaperçue à l’époque chez Patek ! Car il faut préciser qu’à cette époque Patek Philippe ne proposait presque exclusivement que des montres classiques et élégantes, souvent en or et avec des complications sophistiquées comme un calendrier perpétuel ou une répétition minute. Il est certain que l’arrivée de cette montre dans le catalogue de la marque a généré des doutes en interne quant à l’opportunité d’un modèle aussi original, large et sportif, dans un univers Patek Philippe si classique. Et pourtant, la marque introduisit cette montre sous le nom de « Nautilus » en 1976 et la première référence de ce modèle fut la 3700-1A.

Le mouvement de la première Nautilus

Ce premier modèle de Nautilus référence 3700 était propulsé par le mouvement à remontage automatique 28-255. C’est un mouvement de 28mm de diamètre, disposant de 40 « rubis », d’une réserve de marche de 40 heures et fonctionnant à une fréquence de 19800 alternances par heure. Ce mouvement très fin d’environ 3,05 mm d’épaisseur a été développé en 1967 par Jaeger-LeCoultre sous la référence « calibre 920 », pour Vacheron Constantin, Patek Philippe et Audemars Piguet. Il a d’ailleurs été utilisé pour la première fois dans – je vous le donne en mille – la Royal Oak de AP, sous le nom de calibre 2121.

Mouvement d’une 3700 vendue chez Bukowskis

Les évolutions de la Nautilus

Malgré ce qu’on peut penser aujourd’hui face au succès impressionnant de cette montre, le lancement de la Nautilus était au départ un échec. L’élément déterminant du succès de cette montre fut l’introduction d’un modèle femme à quartz doté d’un boitier de 27,5mm et sortie en 1980 sous la référence 4700, et d’une Nautilus similaire à la 4700 mais dans un boitier de 37,5 mm en 1981, sous la référence 3800/1. Le changement majeur avec cette 3800/1 vient de la taille, mais aussi de l’apparition d’une trotteuse qu’il n’y avait pas sur la 4700, du fait d’un changement de mouvement. En effet, cette nouvelle version embarque le calibre 335 SC, développé en interne par Patek. On notera que les deux dernières lettre « SC » signifient « Seconde Centrale ».

Par la suite la Nautilus « mid-size » ref. 3800/1 a connu plusieurs évolutions qui étaient principalement des variations dans le choix des couleurs et des matériaux.

Nautilus 3700 – 3800 – 3900 – 4700

En 1996, Patek Philippe décide d’offrir un nouveau cadran à sa Nautilus 3800/1 en utilisant le même boîtier et le même mouvement. Adieux les sillons. Adieux les nuances. Ce nouveau cadran est mat et noir, les index bâton sont remplacés par des chiffres romains, tout comme les aiguilles bâton remplacées par des aiguilles feuille. Je vous laisse apprécier – ou non – le cadran de cette 3800/1JA, mais force est de constater que cette version n’est pas du goût des collectionneurs, même si à l’époque le succès a été au rendez-vous.

La même années, Patek lance cette fois une Nautilus sur bracelet cuir sous la référence 5060/S, et abandonne pour ce modèle le bracelet métallique intégré. C’est donc une Nautilus avec des cornes et sans oreilles qui pointe le bout de son nez cette années là. Une drôle de mutation, mais surtout un premier pas vers l’Aquanaut qui sortira en 1997.

Nautilus « Aquanaut » 5060

En 1998, la marque lance la 3710/1 et signe le retour de la taille « jumbo » de 42mm, tout en gardant les chiffres romains, la seconde centrale, la date, et le cadran uni non strié. Cette référence est toutefois dotée d’un nouvel élément, un indicateur de réserve de marche, et marque le retour des aiguilles bâton.

En 2004, la Nautilus 3711/1G-001 fait son apparition. On peut résumer que cette version est une 3800 en version 42mm. Elle est dotée d’un fond noir strié, du bracelet intégré d’origine, des oreilles de rigueur et sa superbe lunette octogonale. Cette nouvelle version est cependant dotée d’un fond transparent, et autre détail majeur, elle n’a jamais été fabriquée en acier mais uniquement en or blanc.

Nautilus 3711

En 2005, Patek Philippe offre une version asymétrique de son modèle phare sous la référence 3712/1A. C’est selon moi la plus belle Nautilus jamais créée. Le cadran dispose d’un indicateur de réserve de marche à 10h, une phase de lune et calendrier des jours à 7h et une petite seconde entre 4 et 5h. Un joyeux bordel qui est cependant une belle réussite pour cette montre qui reprend le cadran bleu foncé, avec rainures horizontales, ses index bâton et ses deux aiguilles bâton. Produite pendant 1 an seulement puisque remplacée par la 5712 à Baselworld 2006, on estime qu’il n’existe que 500 pièces de ce modèle en circulation.

Nautilus 3712/1A

Pour 2006 et le 30ème anniversaire de la Nautilus, Patek reprend le design de son icône en lui apportant quelques modifications par petites touches. Elle lance 4 nouvelles montres en acier dont la 5711, le nouveau pilier de la gamme. On remarque aussi l’arrivée du premier chrono Nautilus sous la référence 5980. La 3712/1A est conservée avec son cadran asymétrique, même si elle a été mise à jour et renommée 5712. Finalement, depuis ce lancement en 2006 la Nautilus a connue beaucoup de déclinaisons, mais peu de grandes évolutions. La 5711 reste toujours au catalogue aujourd’hui en 2020 sous la référence 5711/1A-010.

Patek Philippe Nautilus 5711

La Nautilus aujourd’hui

La collection est désormais composée d’une trentaine de modèles homme et femme confondus. Mais le modèle de référence reste toujours cette 5711 qui fait écho à la 3700 d’origine. Malgré certaines errances dans la années 90 Patek Philippe a su faire hommage au créateur de cette montre, en apportant toutefois quelques modifications.

patek nautilus 5711/1A-010 face histoire Patek nautilus
Nautilus 5711/1A-010

Vu de loin, boîtier octogonal en acier n’a pas changé, il y a toujours les deux charnières latérales, un bracelet intégré et une finition composée d’un mélange de surfaces brossées et polies. Le cadran semble lui aussi similaire, avec son cadran bleu rainuré, qui est toutefois donné d’une trotteuse.

Cependant, dans les détails, la 5711 est une véritable évolution. Presque comme une nouvelle montre. Contrairement à la 3700 qui était un boîtier monobloc sur lequel on venait fixer la lunette, la 5711 est composée de 3 parties dont un boitier central sur lequel viennent se pose un fond de boite transparent à l’arrière et une lunette et un verre à l’avant. On retrouve donc une conception traditionnelle pour ce nouveau modèle. Ce boitier est quant à lui légèrement plus grand, avec une largeur de 43mm contre 42mm pour la 3700, et aussi plus épais avec 8,3mm d’épaisseur contre 7,6mm.

La nouvelle construction d’une Nautilus

Côté oreilles – c’est étrange de dire ça pour une montre – la 5711 ne les a pas perdues, mais elle sont désormais légèrement incurvées et suivent la courbure de la lunette. Le bracelet de la 5711 a des maillons centraux plutôt plats, tandis que la 3700 a des maillons centraux arrondis, et il y a désormais une triple boucle pliante sur la 5711, alors qu’elle n’était que simple sur la 3700. La couronne de cette nouvelle version est plus grande grande, mais cela va de pair avec le millimètre supplémentaire sur le boitier. Le cadran est presque le même qu’à l’origine, mais avec une légère variation de couleur plus bleu et moins gris ; les rainures sont aussi plus profondes et plus larges ; on remarque aussi une nouvelle police d’écriture pour le logo qui est d’ailleurs situé plus haut sur le cadran.

patek nautilus 5711/1A-010 cadran
Patek Nautilus 5711/1A-010

Patek Philippe a aussi repris les index qui sont désormais plus imposants et qui sont biseautés à leur extrémité externe pour accompagner l’arrondis du cadran. Pour les aiguilles, la 5711 est désormais dotée d’une seconde, ce que n’avait pas la 3700, et les aiguilles sont aussi plus larges. L’utilisation du « super-luminova » sur cette Nautilus lui permet d’abandonner le tritium radioactif – qui a été interdit en France en avril 2002 – tout en conservant un cadran lisible la nuit.

Nautilus 5711/1A-010 - Fond transparent et cadran
Nautilus 5711/1A-010 – Fond transparent

A l’intérieur, la 5711 de 2006 embarque le calibre 324SC de Patek Philippe tandis que la 3700 disposait du 28-255C de Jaeger-LeCoultre. Ce nouveau mouvement d’un diamètre de 27mm pour 3,3mm d’épaisseur, dispose de 29 rubis, d’un balancier Gyromax, d’un spiral Spyromax, d’une réserve de marche de 45 heures et bat à une fréquence de 28800 alternances par heure. Ce calibre sera d’ailleurs utilisé jusqu’à une récente mise à jour sous la référence 26-330SC qui reprend quasiment la totalité du 324SC.

Patek Philippe Nautilus 5711/1A-010 - Fond transparent
Patek Philippe Nautilus 5711/1A-010 – Fond transparent
mouvement 26‑330 S C patek nautilus 5711/1A-010
Le mouvement 26‑330 S C de la Nautilus 5711/1A-010

Ce modèle fut un véritable succès à l’époque et continue aujourd’hui de garder son attrait. C’est toujours la même version qui est en boutique, avec quelques ajustements mineurs, notamment au niveau du logo qui désormais coupe les lignes horizontales du cadran alors qu’il était auparavant appliqué au dessus.

Un succès qui ne faiblit pas

43 ans après son lancement, cette Nautilus semble toujours actuelle sans avoir pris une seul ride. Mieux, elle est sans cesse copiée par les autres marques et toujours autant désirée les clients. C’est toujours la montre qui attire le plus l’attention des passionnés. Celle qui fait vibrer le public dans les ventes aux enchères. Celle qui fait parler quand on croise une. Nul doute que l’élégance de cette montre y est pour beaucoup, même si aujourd’hui elle devient plus un placement ou une montre « statutaire » qu’une véritable pièce du quotidien.

N’empêche qu’il est bon de rêver de la passer au poignet pour de bon. Un rêve qui n’est pas à la portée de tous les budget. La 5711/1A est tout simplement indisponible en boutique – ou avec 8 ans d’attente – et il vous faudra dépenser environ 60.000€ pour en acquérir une d’occasion.

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