L’hiver s’est enfin installé et les basses températures nous rappellent sans cesse la nécessité de bien se couvrir. Parmi les indispensables de la saison hivernale, on retrouve naturellement le manteau en laine. Mais c’est toujours le même scénario pour le choisir : on peine à trouver un manteau qui soit élégant, sans être trop sérieux et qui se démarque un minimum. On cherche à paraître habillé mais ne pas être pris pour un banquier ( rien contre vous chers amis…d’ailleurs coucou à vous mon cher banquier si vous me lisez !). J’ai donc recherché un manteau qui répond à ces critères et j’ai eu le plaisir de tester le manteau croisé GABIN de la marque française Cadot.
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La maison Cadot
Comprendre la marque Cadot, c’est avant tout s’intéresser à l’histoire de son fondateur, Guillaume Cadot. Lors de notre rencontre, je suis resté scotché une bonne heure et demi, à boire ses paroles. On réalise rapidement à qui on a affaire : Guillaume est un homme très raffiné, avec un sens du style rare et surtout une grande passion pour l’élégance. Pour en savoir plus, je vous recommande d’écouter le podcast qu’Arnaud à enregistré avec Guillaume et qui est disponible ici.
De fait, Guillaume est originaire de Lyon. Il a grandi dans une famille dont certains membres étaient tisseurs de soie – Lyon ayant toujours été considéré comme la capitale européenne de la soie – et d’autres avaient des métiers de bouche. Il développe rapidement une sensibilité pour le vêtement et un goût affirmé pour les choses raffinées. C’est également à travers les films de James Bond de l’époque, où tenues élégantes et belles voitures étaient légion, qu’il s’identifie.
D’ailleurs, il se passionne pour les sports mécaniques, ce qui l’amènera à contribuer à divers magazines automobiles par la suite. Cela va notamment influencer sa vision du vêtement : l’élégance doit rimer avec praticité.
Enfin, sa vie privée le mène régulièrement en Italie où il découvrira la « sprezzatura », cet art de porter ses vêtements avec style et désinvolture, tout en confort. Au cours de ses voyages, il remarque que les italiens portent souvent des gilets sans manches, qui lui rappellent particulièrement le gilet de costume, dans un registre plus décontracté. C’est un vêtement qui se porte toute l’année, aussi bien lors des fraîches matinées d’automne, sur une chemise blanche, qu’à la plage en cas de léger vent.
» Mon grand père était chasseur alpin. Ce gilet sans manches me rappelait la doudoune que je lui empruntais pour aller faire de la moto. »
Vêtement peu connu en France à l’époque, il en perçoit le potentiel et décide de lancer sa propre marque en vendant uniquement un gilet sans manches matelassé, en flanelle de laine.
Le gilet Cadot, porté par Guillaume himself.
Rencontrant un véritable succès, il s’impose comme une belle référence sur ce vêtement et ne tarde pas à proposer tout un vestiaire pour l’homme, inspiré de ses passions et de son expérience.
Dans chacune des pièces, on retrouve l’histoire de Guillaume, avec élégance et confort pour mots d’ordre. La marque s’attache beaucoup à l’élégance classique : des vêtements d’inspiration vintage, pensés pour un usage quotidien et contemporain.
En ce sens, j’ai eu l’opportunité de tester le manteau croisé Gabin. Ce type de manteau est très souvent associé aux tenues formelles compte tenu de ses origines militaires. L’idée de Guillaume était donc de proposer une version sport de ce manteau, plus fonctionnelle, pour un usage du quotidien.
Les inspirations historiques du manteau Gabin
Guillaume a voulu rendre un hommage à Jean Gabin, célèbre comédien français des années 50, réputé pour son élégance sans pareille.
Jean Gabin (à droite) portant un manteau croisé dans « La Cave se rebiffe ».
Incarnant de multiples rôles au cinéma, il s’illustrait aussi bien en ouvrier qu’en grand bourgeois, toujours tiré à quatre épingles, incarnant une certaine idée de l’élégance à la française.
Le manteau Gabin est un manteau croisé, muni d’une martingale au dos, une poche poitrine et deux poches plaquées, empruntées au polo-coat. Ce type de manteau, plus sport, était notamment porté par les joueurs de polo – d’où l’appellation polo-coat – pour se couvrir lors des temps de pause. Très rapidement, le polo-coat fut adopté par les spectateurs et son port s’est démocratisé dans toute la société américaine de l’époque. Il se caractérisait par une longueur légèrement plus courte, un grand col, deux poches plaquées et une laine de couleur camel.
Des joueurs portant le polo-coat avec brio.
L’opinion commune a souvent considéré le manteau croisé comme étant très formel, se portant uniquement par-dessus un costume. Néanmoins, si on remonte aux origines de cette pièce, on remarque au contraire qu’il s’agissait avant tout d’un manteau à visée pratique, qui devait garantir chaleur et confort à son porteur.
Apparu durant la première guerre mondiale, le manteau croisé, également appelé British Warm coat, était d’antan porté par les officiers britanniques. C’était donc un manteau d’origine militaire, sommé de tenir chaud pour vaincre le froid. Pour ce faire, le manteau croisé a emprunté le système de double boutonnage au très populaire caban.
Le traditionnel caban porté par un officier de l’US Navy.
Ce type de boutonnage est indissociable de l’histoire du caban ou peacoat, ce manteau court en laine épaisse, également d’origine militaire puisque porté par la marine britannique. Les origines du caban sont assez controversées mais on s’accorde à dire qu’il aurait été inventé par des navigateurs hollandais au début du XIXème siècle puis popularisé par la British Navy. Les marins britanniques pouvaient boutonner le caban du côté de leur choix – grâce au double boutonnage croisé – afin de conserver au mieux la chaleur selon le sens du vent sur le bateau.
La deuxième inspiration du manteau Cadot réside dans le choix du célèbre motif Prince de Galles. Aujourd’hui, on le retrouve partout dans le prêt-à-porter et même si son nom ne vous rappelle rien, vous en êtes nécessairement familier.
Oskar Salomonsson, un instagramer qui maîtrise le motif Prince de Galles.
Ce motif trouve ses origines dans la tradition écossaise, au début du XIXème siècle. A l’époque les tisserands écossais vendaient à chaque clan un type au motif exclusif, afin de les distinguer des autres clans. On parlait alors de tartans, étoffes de laine à carreaux épaisse, utilisés sur les kilts écossais.
La Comtesse de Seafield (dans la Vallée de Glenurquhart) dans le comté de l’Inverness ( au nord de l’écosse) créa un motif pour vêtir ses garde-chasse. C’est ainsi que naissait la première version du motif Prince de Galles, alors appelé the Glenurquhart check, formé par la superposition de carreaux de couleurs et carreaux fenêtres. Ce motif était donc plutôt « décontracté » car lié à l’univers de la chasse.
C’est le Prince de Galles, Edouard VII, qui se réappropria le Glenurquhart check pour tailler ses propres tenues de chasse, en y ajoutant un liseré de couleur. Au début du XXème siècle, son petit-fils, le Duc de Windsor Edouard VIII, popularisa ce motif en l’utilisant notamment pour ses costumes. Défrayant la chronique car considéré comme un motif trop peu formel, c’est le cinéma américain qui contribuera à lui ses lettres de noblesse grâce à d’illustres acteurs tels que Cary Grant, Steve Mc Queen ou encore Sean Connery.
Le motif Prince de Galles porté par Sean Connery (à gauche).
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Test du manteau croisé Cadot
Détails techniques
- 85% laine, 15% polyamide
- Motif Prince de galles gris foncé
- Revers en pointe surpiqués
- Coupe ajustée
- Poche poitrine
- 2 poches plaquées
- Martingale au dos
J’aime les vêtements d’histoire, ceux qui ont été pensés en croisant les influences. J’apprécie encore davantage lorsque ces vêtements sont remis au goût du jour, tout en gardant cette valeur historique, qu’on pourrait presque qualifier « d’héritage ».
Avec le manteau Gabin, on retrouve tout le sens de l’élégance italienne. Ce sont d’abord les larges revers en pointe qui attirent le regard et donnent beaucoup de caractère au vêtement. C’est un vêtement de goût, qui s’affirme malgré la tendance actuelle pour les petits revers. En ce sens, Guillaume me soulignait l’intérêt pour un créateur de savoir imposer sa vision du style.
C’est une démarche très authentique à l’heure des pure players (marques exclusivement online) qui se concentrent uniquement sur ce que veulent leurs clients, sans jamais prendre le risque de proposer une interprétation personnelle du vêtement. Bien entendu, cela nécessite une certaine culture quand une marque s’attaque au vestiaire classique.
Le motif utilisé est un Prince de Galles, fait de grands carreaux gris foncé. Ce sont des couleurs basiques et les variations de gris permettent d’ajouter de la texture au tissu. D’ailleurs, malgré les teintes sombres employées, le manteau conserve un aspect « lumineux ». Quant à la matière utilisé, c’est un tissu en 85% laine et 15% polyamide. La laine est bien épaisse et le manteau tient véritablement chaud. Bien qu’il soit conseillé de choisir une pièce avec le maximum de matière naturelle, il est néanmoins habituel de voir apparaître 10% à 20% de polyamide dans les manteaux en laine. En effet, cette fibre synthétique a la propriété d’accroître la solidité de la matière.
L’intérieur est doublé en viscose, idéal pour ses propriétés thermorégulatrices (contre la transpiration) et sa grande fluidité. Le manteau s’enfile donc facilement et on s’y sent très à l’aise dès le premier port. Ce confort est également garanti par des épaules avec peu de padding : le léger rembourrage permet au tissu d’épouser la ligne naturelle de l’épaule. En outre, c’est le type de détail qui fait une véritable différence car il casse l’aspect trop strict, presque militaire, imposé par les épaules rembourrées qu’on retrouve dans la majorité des manteaux en prêt-à-porter.
De jolis boutons en corozo, une matière naturelle issue du fruit d’un palmier d’Amérique tropicale, sont cousus à la boutonnière, aux manches et à la martingale. Le corozo est souvent décrit comme l’équivalent de « l’ivoire naturel » et est réputé pour sa grande robustesse.
Les finitions sont parfaitement exécutées.
Un gros travail a été réalisé sur la coupe. Proche du corps, sans toutefois le « mouler » – toujours dans une idée très italienne du vêtement – on se sent bien maintenu dans le manteau, tout en gardant de la marge pour enfiler un pull assez épais. Cependant, le point le plus marquant reste la sensation d’élégance qu’on éprouve une fois le manteau enfilé, exactement la même impression que lorsqu’on porte un très beau costume.
C’est ce que Guillaume soulignait lorsqu’il m’expliquait la manière dont il avait pensé ce manteau. Selon lui, on peut approcher l’élégance masculine à travers deux grandes écoles :
- La vision britannique, qui rejette le corps, cherchant à tout-prix la sobriété et la discrétion. Elle est à la recherche d’une structure poussé à l’extrême : les coupes sont droites, les épaules rembourrés, dans un esprit presque militaire tant la régularité y est prononcée.
- L’école italienne, à la recherche d’une certaine spontanéité dans le vêtement, dans une sorte de nonchalance maîtrisée. En Italie, le corps est célébré, d’où des coupes plus étroites pour le mettre en valeur, et une obsession pour le confort. Le vêtement doit paradoxalement se voir, mais se faire oublier par celui qui le porte.
Des revers légèrement arrondis, dans la plus grande tradition italienne.
Le manteau Gabin est un ingénieux mélange des deux mondes grâce aux détails empruntés à chaque univers. On y retrouve les codes italiens, avec l’absence de padding, une coupe proche du corps et de larges revers arrondis et l’héritage britannique, à travers le choix du type de manteau (polo-coat) et du motif.
La martingale, garante d’une coupe ajustée et élégante.
La longueur du manteau est parfaite et arrive juste au dessus des genoux. elle accentue le côté « sportswear » du manteau, en donnant un côté très dynamique. J’apprécie tout particulièrement la présence de la martingale au dos, qui permet de souligner la taille et ajoute de la structure à la tenue.
Par ailleurs, les deux poches plaquées accentue la décontraction du vêtement : elles sont très profondes et on peut y mettre facilement ses mains, ou y glisser son smartphone.
Une longueur de manche idéale.
Enfin, les proportion sont très justes et je n’ai pas eu à faire de retouches. J’ai choisi une taille 48 (petit M) et j’ai de la marge à la poitrine, ce qui me permet dans le look proposé, de porter un col roulé et une veste en jeans en dessous. Je recommande donc de s’en tenir à sa taille habituelle, vous profiterez ainsi de la superbe allure que donne ce manteau sans devoir passer par la case retouche.
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Comment porter le manteau Gabin ?
Ce manteau est extrêmement facile à porter. Au départ, j’avais à l’esprit que le croisé était une pièce qui se porte uniquement par-dessus un costume, comme le font brillamment les dandys au Pitti Uomo. Cette manière de porter le manteau croisé est certes valable néanmoins je suis convaincu que ce manteau est tout indiqué pour des looks plus décontractés.
Un look facile à porter, relevé par le pantalon blanc et le bonnet ocre.
J’ai construit cette tenue en jouant avec des pièces basiques : col roulé bleu marine, veste en jeans brut, pantalon blanc et brogues marrons. L’idée était de jouer sur un contraste de couleurs entre le haut sombre et le pantalon blanc qui permet de structurer visuellement la tenue. Enfin, j’ai ajouté un peu de couleur avec un bonnet, qui rappelle subtilement les souliers et contraste avec le gris foncé du manteau. On aurait pu également penser à une paire de sneakers aux couleurs fortes, qui aurait ajouté davantage d’originalité.
En somme, si vous souhaitez jouer la carte de l’ultra formel, je vous conseille de porter ce manteau avec un joli costume en flanelle gris clair, une chemise blanche, une cravate bleu marine, et une paire de souliers marron. Ce sera du plus bel effet.
Si comme moi vous envisagez un port décontracté, le champ est ouvert. Je vous suggère par exemple de porter ce manteau Gabin avec un pull en laine épaisse, un pantalon cargo kaki et une paire de sneakers blanche. Finalement quel que soit le registre de votre tenue, ce manteau saura s’y intégrer sans difficultés.
Mon avis sur le manteau Cadot
En prêt-à-porter, il est difficile de trouver un manteau de qualité, assez original et polyvalent à la fois.
Ici, le manteau Gabin répond parfaitement à ces critères et est proposé en soldes à 285 euros au lieu de 475 euros.
Pour une telle pièce, mélangeant savamment inspiration italienne et histoire britannique, aux détails bien réfléchis, on est face à un excellent rapport qualité/prix.
Je le recommande particulièrement tant pour son originalité mesurée que pour son confort. Il s’agit d’un basique, à porter dans toutes vos tenues et nul doute qu’il vous fera plusieurs années sans sourciller.
De ma rencontre avec Guillaume Cadot jusqu’au test de ce manteau, j’ai particulièrement apprécié que le dialogue soit orienté vers la question du style et du beau. De nos jours, trop de marques s’affairent à rationaliser le vêtement à tout prix. Cette approche est louable car elle permet de comprendre davantage la construction du vêtement et donc sa valeur. Néanmoins beaucoup se perdent dans le « tout-rationnel ». Et lorsqu’on tombe dans une approche où on veut tout justifier et caractériser, on perd souvent la notion de style.
Etre élégant, c’est l’idée qu’il faut porter son vêtement sans s’en soucier, pour lui donner cachet et valeur. Cet état d’esprit est l’ADN de la marque Cadot : apprendre à s’habiller puis « vivre ses vêtements », en profitant de la vie en toute élégance.
A bientôt chers lecteurs,
Farid